Margot S. 16/02/2022

Mon job étudiant en vaut-il la peine ?

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Margot travaille tous les week-ends en parallèle de ses études. Ce job l'éloigne de ses proches, et de la vie étudiante dont elle rêvait.

Un mois après la rentrée, j’ai commencé à travailler comme réceptionniste dans un hôtel à Rennes. Mon job consiste à gérer le petit-déjeuner, les appels, les réservations, et à nettoyer la cuisine et la salle. Après, je monte dans les étages et je m’occupe des chambres pour les rendre disponibles. Je travaille le samedi et le dimanche, de 7 heures à 14 heures. Je déteste ce boulot.

Quand je travaille, je suis seule à l’hôtel. J’ai une responsabilité assez importante sur les épaules, mais ce n’est pas ce qui me dérange le plus. Gérer les individus qui arrivent totalement ivres à l’hôtel, les personnes odieuses et aigries au téléphone, ça, ça me dérange. Parce que devoir me battre avec les gens pour faire régner l’ordre, ça me fatigue. De savoir ce qui m’attend en allant travailler, ça me fatigue.

Trop de pression, trop d’isolement

C’est trop de responsabilités : je veux dire, trop à côté des études que je m’inflige. La pression me fait beaucoup de mal. Le week-end dernier, j’ai dû appeler les pompiers pour une dame. Je l’ai retrouvée par terre dans un couloir, les poignets scarifiés, en sang, en train de convulser. J’étais seule dans l’hôtel, et j’ai tellement paniqué que j’ai été prise de vomissements le reste de la journée. Je suis très sensible.

Et ça a été une sorte de déclic. Je me suis dit : « Ça suffit, je ne peux plus, j’ai mieux à faire. » Il suffirait sûrement de changer de travail. Mais ce n’est pas seulement ça, c’est aussi la solitude et le « trop de pression », l’éloignement. Même à l’école, je m’isole.

Je suis devenue une machine

Je me prive d’énormément de choses. Que ce soit le vendredi, le dimanche ou en semaine comme j’en avais l’habitude, je ne sors plus. Je ne vois plus ma famille, mes amis. J’ai l’impression que je suis constamment en marche, comme une machine qui est toujours fonctionnelle.

Je ne sais pas si c’est mental ou physique, mais je suis en état de grosse fatigue et j’ai toujours l’impression de manquer de sommeil. Je suis en plein craquage et je commence à me poser des questions sur ce qu’il y a de meilleur pour moi. Malgré tous les efforts et les sacrifices que je me force à faire, j’ai l’impression d’être efficace ni au boulot, ni à l’école, surtout que mon mental ne suit pas.

Je ne me sens pas tellement vivante, et j’ai toujours cette fâcheuse impression de passer à côté de certains moment de convivialité, comme les repas de famille, les sorties entre filles, ou faire la fête tout simplement. Les petites choses simples que les jeunes adorent faire. Et ça me pèse.

La face cachée de l’indépendance

Le plus dur dans tout ça, c’est le fait de ne plus du tout voir ma famille. C’est contradictoire. J’étais trop enjouée à l’idée de vivre seule, mais finalement, j’aimais bien vivre chez moi et être entourée. Là, je suis toujours toute seule chez moi, ce n’est pas amusant.

Travailler me permet de gagner de l’argent et de me procurer des petites choses, décorer mon appartement, m’acheter plein de vêtements… tout ce que je souhaitais, au final. Mais je ne sais pas si ça vaut le coup. Je ne donne pas le maximum de mes capacités en classe et je ne prends jamais le temps de réviser correctement. Ce n’est pas le but. Si je travaille, c’est à côté de mes études, mais il ne faut pas que ça les impacte.

Une vie étudiante idéalisée

Je ne pense pas que je vais garder ce boulot, du moins pas pour longtemps. Ce n’est pas bon, ça ne vaut pas le coup. Je ne me sens pas bien, loin de tout le monde et privée de tout. Ce n’était pas cette vie-là que j’attendais tant.

Pour financer ses études et son quotidien, Olivia travaille tous les étés dans un fast-food. Deux mois de salaire pour dix mois d’études.

Capture d'écran d'une illustration colorée de deux femmes qui se prélassent sur une plage après un travail bien mérité.

Je pensais pouvoir faire l’équilibre entre le travail et l’école. Mais je n’y arrive pas. Je pensais pouvoir facilement vivre éloignée de tout le monde. C’est très dur. Je pensais que gagner mon propre argent me rendrait heureuse. Effectivement. Mais les conséquences me rendent triste, et très à cran. J’étais très motivée à l’idée de travailler en même temps qu’un nouveau BTS, mais aujourd’hui j’ai perdu toute motivation, quoi que j’entreprenne.

Je ne sais pas s’il s’agit de caprices, je ne pense pas. Je crois surtout que j’ai trop idéalisé ce monde-là, la vie étudiante, et que j’en suis totalement déçue. Et je pensais aussi avoir les capacités pour jongler entre un petit boulot et l’école afin de m’offrir de belles choses, mais je n’en ai pas forcément la force.

Margot, 19 ans, étudiante, Rennes 

Crédit photo Pexels // CC PhotoMIX Company

 

Travailler à côté de ses études

La moitié des étudiant·e·s ont un job

En France, près d’un·e étudiant·e sur deux travaille à côté des cours. Certain·e·s le font pour se faire plaisir, mais la plupart n’ont pas le choix : c’est ce job qui leur permet de survivre.

Ce travail nuit souvent aux études

Un job apporte de l’expérience, de l’argent, complète le CV… mais ça prend du temps, ça fatigue, ça crée une nouvelle charge mentale. Résultat : 18 % des étudiant·e·s qui travaillent voient que ce job a un impact négatif sur leur scolarité, et 33 % sont sous pression à cause du poste qu’ils ou elles occupent.

Le Covid a décuplé les difficultés

Depuis le début de la crise sanitaire, 10 % à 15 % des étudiant·e·s ont perdu leur job. Celles et ceux qui ont pu le garder ont subi en moyenne une baisse de 200 euros par mois sur leur salaire. Cette précarité a poussé plus de jeunes que d’habitude à abandonner leurs études.

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1 réaction

  1. En lisant ce témoignage, j’ai repéré des expressions qui me font dire que cette jeune femme est en grande souffrance, et j’ai envie de lui dire de demander de l’aide psychologique, d’arrêter ce travail dysfonctionnel, d’en parler avec sa famille et ses amis. De prendre soin d’elle, et d’être bienveillante avec elle même. Attention à votre santé physique et mentale. Bon courage Margot. Avec toute ma bienveillance.

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