Le droit chemin
Juillet-août 2021 : l’année de troisième est finie, place aux grandes vacances. Avec mes potes, nous traînons dehors jour et nuit, entre chicha, clopes, drogues, alcool, et petits vols dans des épiceries ou magasins. Des choses pour l’instant assez mineures, le début d’un chemin qui m’a attiré vers le bas.
Arrive la rentrée en seconde : je sèche beaucoup afin de pouvoir traîner dehors avec mes potes. Il suffit d’une embrouille pour que le groupe de potes se divise en deux. D’un côté, il y a mes potes plutôt à l’aise financièrement et qui s’arrêtent à des délits mineurs, consommation de drogues et d’alcool et petits vols. De l’autre, il y a mes autres potes comme moi. Ceux qui vivent dans la galère financièrement, mais qui font tout pour se débrouiller et faire de l’argent.
Je dois faire un choix. Étant donné que c’est la galère chez moi, j’ai fini avec ceux prêts à tout pour faire de l’argent.
Pour vous mettre dans le contexte : je viens d’une famille musulmane où nous sommes cinq. À l’époque, seule ma mère pratiquait. Mes parents ont divorcé, et le juge a enlevé toute autorité parentale à mon père. J’ai très vite perdu tout contact avec lui. Actuellement, il ne me considère même plus comme son fils.
Toujours plus
Toute l’année de seconde : je suis désormais dans la vente de drogues, le racket, les vols. Des vols à l’arraché, de scooter, de voiture, et même du cambriolage. Toutes ces délinquances ne sont pas venues d’un coup, mais petit à petit. Nous devenons de plus en plus aveugles et attirés par l’argent, prêts à tout pour en faire. Ça commence par voler des petits trucs pas trop chers, puis des AirPods, ensuite des téléphones et, pour finir, des véhicules. Et tant qu’on ne se fait pas attraper, on fait tout pour augmenter le butin.
Ces potes, c’étaient des mauvaises fréquentations, mais j’étais ignorant par rapport à ça car j’étais comme eux. Je n’avais pas conscience du mal que l’on faisait. Pourtant, je voyais tous mes potes se faire attraper par la police. L’un après l’autre, ils finissaient tous au commissariat.
Je ne sais pas si c’était un signe de Dieu pour que j’ouvre mes yeux et que j’arrête, mais le jour où ce fut à mon tour de me faire attraper est arrivé.
Ne plus décevoir ma mère
Début juin : la police appelle ma mère, elle vient me chercher au commissariat. Ce qui m’a le plus choqué, c’est qu’elle n’a eu aucune réaction devant la police. Comme si elle savait déjà que ça allait arriver. Une fois rentrés à la maison, je me retrouve entre mon frère et ma sœur qui crient, et ma mère qui pleure à cause de moi car je l’ai déçue. Ça m’a brisé le cœur. Pendant plusieurs jours, je n’arrive plus à lui parler, je la fuis du regard car j’ai honte de moi.
Le procureur me met un rappel à la loi et huit mois de sursis. Ce jour-là, je décide d’oublier cette vie et de ne plus décevoir ma mère.
Je dis à mes amis que je suis puni afin qu’ils ne me cassent pas la tête pour que je fasse des choses avec eux pour obtenir de l’argent. Je sors de temps en temps pour voir les deux, trois potes qui m’acceptent même avec ce changement. Les autres m’ont tout simplement oublié. Je n’étais plus avec eux dans leurs plans, donc j’étais inutile.
La religion, mon nouveau chemin
Septembre 2022 : je commence à m’intéresser à la religion, et je sais que le chemin que je dois suivre est celui-là. Je commence à pratiquer. Voir ma mère heureuse car je me suis repentie me rend heureux. Je ne demande rien de plus.
Mara a fait comme ses frères et ses amis : commettre des délits pour gagner de l’argent. Jusqu’à sa garde à vue et sa découverte de la religion.
À l’heure où j’écris ce texte, certains potes ont sombré dans la drogue et l’alcool, ils n’arrivent pas à arrêter, tandis que d’autres sont toujours dans la délinquance. J’ai contact avec certains d’entre eux, tout en restant loin de leurs activités. Bien évidemment, j’ai d’autres potes sur la même longueur d’onde que moi.
Je suis content de la personne que je suis aujourd’hui, à essayer d’être meilleur. Avant, je n’étais pas conscient de tout le mal que je faisais autour de moi. Je l’assume, et j’en paierai les conséquences, dans ce monde ou dans l’autre monde. Même si j’ai le regret d’avoir commis tant de péchés.
Abdel Karim, 17 ans, lycéen, Sevran
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