Lola P. 05/03/2024

« Lorsque je parle de mode, on ne me prend pas au sérieux »

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La grand-mère de Lola lui a transmis sa passion pour la couture. Autodidacte, elle dessine et fabrique des vêtements. Aujourd’hui, la collégienne se rêve styliste, alors que ses parents l'imaginent architecte.

J’ai commencé la couture avec ma grand-mère quand j’étais petite. C’était un moment privilégié entre nous. Elle avait une machine à coudre. Elle me montrait comment la faire marcher. Elle était blanche et rouge. J’ai demandé à mon père qu’il m’en achète une. Il a fallu attendre que je sois un peu plus grande mais je l’ai finalement eue. Elle était toute blanche et toute neuve. Puis les accessoires se sont accumulés. Ma passion pour la mode a grandi, elle aussi. Je m’intéressais aux tissus. Je regardais des films qui parlaient de la mode. Je fabriquais mes premières pièces, dont un doudou réalisé à partir du pull bleu de mon père. J’avais copié les techniques de ma grand-mère, complétées avec des tutos YouTube. Pour le rembourrage, j’avais utilisé des chaussettes et j’ai pu tout faire tenir en cousant les côtés.

Plus tard, on m’a offert un mannequin pour m’entraîner. L’apprentissage en solitaire continuait. Je lisais des livres et je suivais des influenceuses mode sur les réseaux pour m’améliorer. Elles montraient les dessous de la fabrique des vêtements qu’elles portaient. J’ai aussi beaucoup appris sur l’histoire de la mode. Ma mère possède des livres sur Channel que j’ai dévorés. J’admire beaucoup cette femme car elle a mis du temps avant d’être connue. Je me souviens d’un modèle qu’elle avait lancé. Une espèce de jupe rose et blanche avec des hauts accordés et des boutons d’or. J’ai également beaucoup d’admiration pour Elsa Schiaparelli, Madeleine Vionnet, Madame Grès et Michael Kors.

Paris, capitale de la mode

À Rouen, les défilés sont rares, alors je suis tout ce qui s’y rapporte en ligne. J’aime voir les lives, où les créateurs préparent les mannequins et les envoient sur la piste. On a quelques boutiques de couture dans la ville, notamment sur les quais, mais c’est très loin de chez moi. Je vis sur les Hauts de Rouen et il faut traverser l’autoroute pour y aller.

Le mieux, ce sont les sorties à Paris. J’aimerais beaucoup vivre là-bas. C’est là qu’on trouve le Palais Galliera et toutes les grandes boutiques de mode, comme Dior. Toutes ces choses-là n’existent pas dans les Hauts de Rouen. Parfois, mon père nous rapporte des produits de luxe des grands magasins dans lesquels il fait des ménages. Les patrons des boutiques lui font des cadeaux. Sur son temps libre, il m’amène aussi dans ces mêmes magasins pour m’acheter des choses. Les directeurs, qui le connaissent pourtant, font comme s’ils ne savaient pas qui il était.

« Mes parents rêvent que je devienne architecte »

Mais ces moments-là c’est rare, car son temps libre est précieux. Mon père possède une entreprise de travaux, mais fait aussi des ménages dans les boutiques certains samedi. De son côté, ma mère est comptable. On a une bonne situation, mais lorsque je parle de mode, on ne me prend pas au sérieux. Pourtant, j’ai toujours eu un talent pour le dessin, et c’est une vraie passion. Mais pour mes parents c’est un passe-temps.

On ne connaît personne dans la mode et je n’ai aucune idée de comment me lancer, créer ou intégrer une marque. Ils ont peur que ce soit trop dur. Que ça ne rapporte pas assez et que ma boîte coule. Leur rêve est que je devienne architecte. Pas styliste. Mais l’architecture, moi, ça ne m’intéresse pas.

Au lycée Rabelais comme ailleurs, le chemin est long et stressant jusqu’au bac, épreuve ultime avant d’affronter l’ogre de Parcoursup pour tenter de s’assurer un avenir. Safi a le sentiment de devoir prendre des décisions pour son futur à l’aveugle, comme si elle achetait un habit sans l’essayer.

Capture d'écran de l'article : "Je choisis mon métier sans l'essayer". Il est illustré par une photo où l'on voit une jeune fille avachie sur un livre, les yeux fermés. Elle semble être dans un parc ou dans un jardin.

J’ai pourtant quelques dessins intéressants. Des robes de soirée, de mariage ou uniquement pour sortir entre amis, mais je n’ose pas encore passer à l’acte et montrer mes créations sur les réseaux sociaux. J’ai trop peur de m’afficher. Je préfère me faire connaître en vrai.  Alors en attendant, je suis les Fashion weeks et je continue à me renseigner. Peut-être qu’un jour je percerai. Qui sait ?

Lola, 14 ans, collégienne, Rouen

Crédit photo Pexels // CC Los Muertos Crew

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