Leila C. 26/10/2022

Ma vie, je la préférais en Algérie

tags :

En Algérie, Leila était une élève brillante. En déménageant en France, elle a dû recommencer le lycée. Et revoir ses rêves à la baisse.

Je ne voulais pas venir en France. En Algérie, j’avais une vie simple, mais j’étais trop heureuse. J’avais une grande famille et, pour moi, c’est le plus important. J’ai grandi avec beaucoup de cousines.

J’avais de bonnes notes, on me disait que j’irais loin. J’étais vraiment excellente ! Selon les trimestres, j’avais entre 14 et 17 de moyenne. Mes meilleures notes, c’était en maths : 17 ou 18. Comment c’était bien de me sentir la plus forte en classe ! C’était une sensation inimaginable.

On avait nos rêves ensemble

Je connaissais tout le monde dans mon lycée : les surveillants, les professeurs, même le directeur. Tout le monde appréciait mon histoire, ma famille, ma mère. Bref, comme j’avais un super niveau, je me voyais devenir architecte, créer mon entreprise.

Ces rêves, je les partageais avec mon copain. Nos familles étaient au courant de notre relation. Lui aussi était fort en classe. On imaginait beaucoup de choses ensemble, pour plus tard. Dans nos têtes, on était sûrs de réaliser nos rêves. Malheureusement, la décision de venir en France a tout gâché. Cela a changé ma vie, et brisé mes rêves.

Un départ comme cadeau

Le 1er décembre 2019, c’était mon anniversaire, mes 17 ans. C’était surtout le jour de mon départ pour la France, avec ma mère et mon frère. Quand on s’est réveillés pour aller à l’aéroport, j’étais trop stressée. J’avais peur, car c’était la première fois que je montais dans un avion.

En France, on est arrivés chez ma tante. Elle et ses enfants étaient trop contents. Au bout de quelques jours, on a fait les démarches pour ma scolarité. Je me rappelle que je suis allée avec ma tante à l’académie. On m’a fait passer un test pour rentrer au lycée. Les maths, c’était facile, mais en français c’était trop dur. Je n’ai pas réussi, donc ils ont décidé de m’inscrire dans une classe spéciale.

Dans cette classe, ceux qui viennent de l’étranger apprennent le français, pour avoir le niveau pour aller au lycée. Pour moi, cette année a été facile. J’étais la plus forte, puisqu’en Algérie on parle beaucoup en français.

Recommencer ma seconde générale

Ensuite, une prof m’a aidée à faire ma demande pour entrer au lycée. On m’a dit que je devais recommencer ma seconde, à cause de la différence de niveau par rapport à l’Algérie. Quand je l’ai appris, j’ai pleuré pendant une semaine. Ma prof m’a remonté le moral. Elle m’a dit que j’avais été acceptée dans le meilleur lycée de Montpellier !

Le premier jour, c’était trop bizarre. Ce n’était pas du tout comme en Algérie. Je n’avais jamais vu un lycée grand comme ça ! Il y avait beaucoup de gens. Les jours ont passé. Je n’ai rien retrouvé de ce que j’avais connu. En France, c’est plus organisé. Par exemple, ici, il y a Pronote. En Algérie, les surveillants font passer une feuille pour les absences. Les notes et devoirs, ce sont les profs qui les donnent en classe.

Redoubler d’efforts

Je me souviens, ma première note ici, c’était en français. J’ai eu 7. J’étais déçue. J’avais tellement travaillé ! J’avais passé trois heures sur mon commentaire de texte. J’ai dit à ma mère : « Je ne peux pas, c’est trop difficile pour moi, je ne vais pas y arriver. » J’avais trop peur. Deux jours après, on a eu un contrôle de maths, et j’ai eu 14. J’étais trop contente ! Cela m’a remonté le moral, je me suis dit : « Tu peux réussir Leila ! » Quand je veux un truc, je donne tout pour l’avoir.

Petit à petit, j’ai pris l’habitude. Même si c’était dur, j’ai réussi à avoir de meilleures notes. J’avais entendu que la seconde générale, c’était difficile, qu’il y avait beaucoup de devoirs. Mais je n’imaginais pas que c’était à ce point  ! Quand je rentrais chez moi, je mangeais et j’allais directement faire mes devoirs. Je reprenais tous les cours, pour être à jour dans toutes les matières. Des fois, je travaillais jusqu’à 1 heure du matin, sans avoir le temps de tout faire !

Laisser mes rêves en Algérie

Aujourd’hui, je suis en première STMG. Ça fait deux ans que je suis en France, mais je ne parle pas bien le français. Je galère un peu, je ne suis pas excellente en classe, mais je fais tout pour l’être. J’ai entre 13 et 14 de moyenne.

À 13 ans, Roxane a quitté la Côte d’Ivoire pour venir à l’école en France et avoir de meilleures opportunités. Aujourd’hui, pour y arriver et rendre ses parents fiers, elle n’a pas le droit à l’erreur.

Image de l'article "L'école en France, mon ticket vers l'indépendance", publié le 11 février 2022 sur le site de la ZEP. Une jeune fille et un jeune garçons font leurs devoirs, assis en tailleur sur un sol bitumé et adossé à un mur de brique. Leur cahier est posé sur leurs genoux, la tête rivée dessus, un style dans leur main. Le titre de l'article, "L'école en France, mon ticket vers l'indépendance" est écrit en blanc sur l'image.

Dans ma tête, je sais que je ne vais pas réussir à devenir architecte. De toute façon, je ne veux plus de ce métier, car il me fait penser à mon passé. J’attends de finir le lycée pour faire un BTS tourisme. Peut-être qu’au lieu de devenir architecte, je serais hôtesse de l’air. En tout cas, j’aimerais bien !

Leila, 19 ans, lycéenne, Montpellier

Crédit photo Unsplash // CC Killian Pham

 

 

La scolarité des enfants étranger·es en France

Plus déterminé·es, rigoureux, ambitieux ?

Contrairement aux idées reçues, les enfants né·es à l’étranger de parents étrangers, scolarisé·es en France seraient plus motivé·es par la réussite scolaire que les élèves français·es né·es de parents français.

Une étude montre qu’à milieu social équivalent, elles et ils ont de meilleurs résultats scolaires que les autres. Elles et ils seraient d’ailleurs 60 % à dire vouloir « être le meilleur », contre 45 % pour les élèves français·es.

Classes allophones et dispositifs UPE2A

Alain Gillier est professeur des écoles en UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants). Chaque année, il accompagne des élèves non-francophones pour leur enseigner le français et les aider à intégrer sereinement le système scolaire.

Pendant toute l’année 2010-2011, Emmanuelle Godard et Hervé Kern ont filmé son quotidien et celui de ses élèves venu·es des quatre coins du monde, dans leur documentaire Tourne le monde.

Partager

Commenter