Oumar D. 21/11/2022

Le validisme, obstacle à ma carrière

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En situation de handicap, Oumar a été mal orienté. Depuis le lycée, il enchaîne les refus et les discriminations.

Quand on te dit « tu vas là-bas car t’as un handicap, et on va t’aider à entrer dans le milieu professionnel », et qu’il ne se passe rien… bah, c’est qu’à l’ESAT (établissement et service d’aide par le travail), ils ne respectent pas leur engagement.

Au lycée spécialisé de Garches, j’avais pour seule option de choisir entre la cordonnerie-botterie et la couture. Bien évidemment, étant jeune garçon, j’ai donné raison au cliché, à savoir la cordonnerie, mais pas sans frustration. D’autant plus que je nourrissais un intérêt certain pour l’informatique et le graphisme.

Ensuite, j’ai travaillé pendant quatre ans dans un ESAT où ils m’ont conté fleurette. C’était encore une orientation imposée. J’étais multitâche : port de charges lourdes, manutention. J’ai même dû porter des cartons avec du marbre dedans. Mais j’en ai eu ras-le-bol.

Mon potentiel sous-estimé

J’ai enchaîné les formations afin de trouver le métier qui serait le plus en accord avec ma capacité physique et mes désirs. On m’a vite fait remarquer que mes problèmes de gestuelle ne seraient pas adaptés au métier de technicien en maintenance informatique, ou à celui d’infographiste. Personnellement, je ne suis pas du même avis, je m’en sens capable. Puis, il n’y a pas vraiment de papier officiel qui dit que ce n’est pas adapté.

Le problème, c’est le rendement, parce que c’est de l’argent. C’est comme être écrivain : je pourrais écrire des romans, mais j’irais beaucoup moins vite que quelqu’un de « normal ». Dire quelqu’un de « normal », c’est fort, mais c’est ce que les autres me font ressentir. Dans les rues, les regards, on les sent.

Louis, Lilia, Richard et Fatma vivent avec un handicap invisible. Pour éviter les discriminations à l’embauche et le chômage longue durée, elles et ils décident de le cacher à leur employeur.

J’ai aussi fait des stages dans la vente textile, que je n’ai pas trop apprécié. Discuter avec les gens autour de moi a confirmé ce que je pensais : les vendeurs poussent trop à l’achat. Je n’avais pas envie de faire ça. En plus, ce domaine est trop porté sur le physique. On met les autres dans des cases sans en connaître les causes. Quelqu’un comme moi, avec des cicatrices et une intonation particulière, est mal vu.

Actuellement, je fais un service civique. Grâce à ça, j’ai réalisé que je voulais être médiateur du numérique. J’espère pouvoir suivre une formation et exercer ce métier.

Oumar, 30 ans, volontaire en service civique, Livry-Gargan

Crédit photo Unsplash // CC Raoul Ortéga

 

 

L’ESAT (établissement et service d’aide par le travail)

C’est une structure qui accueille les personnes en situation de handicap qui n’arrivent pas à s’insérer sur le marché du travail. Au sein de l’ESAT, on leur confie des missions manuelles (couture, menuiserie, repassage, etc.).

À l’origine, les ESAT ont été créés pour être un tremplin professionnel, sauf que… le journaliste Thibault Petit a enquêté sur les conditions de travail en ESAT. Il y dénonce :

l’insertion : seul·es 2 % des usager·es accèdent au milieu du travail « ordinaire ». Les ESAT sont parfois réticents à laisser partir les employé·es les plus efficaces dans d’autres entreprises.

les compétences : de plus en plus d’ESAT sélectionneraient les usager·es en fonction de leur CV et de leur efficacité, dans une logique de productivité.

le salaire : en moyenne 800€/mois (pas de min. légal) pour 35 heures de travail hebdo.

les conditions : pas de prise en charge de leur mutuelle, pas de syndicats, baisse de salaire en cas d’absence pour maladie ou pour des rendez-vous médicaux.

En 2019, l’ONU préconisait déjà de fermer les ESAT français.

 

Handicap à vendre (Thibault Petit) 

 

Image avec la couverture du livre "Handicap à vendre" écrit par Thibault Petit. On y voit un garçon, aux cheveux courts et roux. Il porte un tee-shirt à manches longues rouge avec des rayures blanches, bleues et noires. Sa main gauche touche son épaule droite. Derrière lui, il y a un champ tondu et des arbres. juste en dessous de la photo est inscrit en blanc "Resteriez-vous sept heures à trier des vies ? Eux, oui !", suivi en dessous un tiret blanc et de l'indication "Publicité pour un ESAT (Établissement et service d'aide au travail)"

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