Je me noie sous les papiers
J’ai trouvé un premier appartement assez facilement grâce à l’aide de mes parents. Un appartement dans une résidence universitaire près de l’université Paul-Sabatier, un petit peu en périphérie de Toulouse. Combien de déboires administratifs et financiers depuis que j’ai quitté mon domicile familial, à 17 ans, pour poursuivre mes études…
Je me suis retrouvé, lors de ma première année d’études, à ne pas avoir la bourse pendant six mois. Je ne savais pas qu’il manquait un papier. Et le Crous n’était jamais joignable aux horaires où je pouvais appeler. Il aurait fallu que j’aille directement au siège, à Toulouse, mais il était en centre-ville. Avec ma vie en périphérie et mon emploi du temps d’étudiant assez chargé, je n’avais pas forcément envie de passer trois heures à attendre au Crous lors de mes rares temps libres. Le tout pour des démarches qui me paraissaient excessives : il suffisait qu’ils traitent mon mail !
Pas de CAF pendant un an : - 2 640 euros
Après ma première année, je me suis réorienté. Etj’ai décidé de déménager vers le centre-ville pour me rapprocher de ma nouvelle université. Cette première année dans mon nouveau logement s’est bien passée. Si ce n’est que je n’étais pas au courant que j’avais le droit à la CAF. J’ai attendu l’année suivante avant de la toucher. Quand, enfin, je me suis rendu compte que j’y avais droit, j’ai appris que j’aurais pu toucher une aide de 220 euros par mois. Soit un manque à gagner sur un an de 2 640 euros ! Une somme qui m’aurait permis de faire plein de soirées.
D’ailleurs, depuis cette année, ma carte Vitale ne marche qu’une fois sur deux sans que je ne sache pourquoi. Du coup, à chaque fois que je vais chez le médecin, c’est le suspense pour savoir si je vais devoir ou non payer le prix de la consultation. Quand je dois payer, je dois envoyer une feuille de soin à ma Sécurité sociale pour me faire rembourser. Mais la démarche d’envoyer le papier par la Poste est tellement pénible que je ne la fais que rarement.
La taxe d’habitation, une mauvaise surprise à 650 euros
Mes déboires financiers ne s’arrêtent pas là. Je n’étais pas au courant que je devais renouveler ma demande de bourse tous les ans même en restant dans la même filière de la même université. J’ai donc passé ma troisième année seul, sans bourse, pendant six mois, car les démarches de demande de bourse en retard sont complexes. J’ai d’ailleurs appris que je n’avais pas encore la bourse cette année, lorsque je me suis retrouvé à devoir payer les frais d’inscriptions à l’université. Une dépense inattendue et surprenante, comme plein d’autres survenues tout au long de ma vie universitaire.
On peut par exemple parler de la taxe d’habitation. Une taxe dont l’existence m’était absolument inconnue avant qu’une lettre arrive dans ma boîte aux lettres et me demande de leur envoyer 650 euros, soit un mois de loyer. J’ai dû demander de l’argent en urgence à mes parents pour pouvoir la payer, mais ça ne m’a pas aidé à prendre mon indépendance.
J’ai par ailleurs récemment encore déménagé, et bien qu’après quatre ans je pensais avoir gagné de l’expérience dans ce monde flou de l’administration, j’ai encore eu plein de surprises : en plus de devoir renvoyer sa box par la Poste une fois qu’on change d’offre internet, l’arrêt de l’abonnement coûte 50 euros.
Un oubli de carte bancaire : deux mois d’impayés
En plus de ça, j’ai changé de carte bancaire à peu près au même moment que mon déménagement. Quand on change de carte bancaire, il faut changer la carte sur tous les sites sur lesquels elle est rentrée. Or, j’avais oublié de la changer sur le site de ma mutuelle. Elle m’a donc envoyé des lettres d’impayés, mais à la mauvaise adresse car je n’avais pas encore mis la nouvelle. Ces lettres ne m’ont jamais été transmises. Je n’étais donc pas au courant que je leur devais deux mois de versement… Une nouvelle que j’ai apprise au téléphone quand ils se sont enfin décidés à m’appeler.
Après des années en foyer, Carla découvre la vie seule dans son appartement. Elle apprend à gérer sa solitude, mais aussi les dépenses pour son nouveau logement.
Ces nombreux problèmes administratifs m’ont amené beaucoup de sentiments de frustration, de fatigue et de colère. Ça a impacté de manière négative mes journées.
J’essaie d’apprendre petit à petit à gérer toutes ces démarches. Et, aujourd’hui, j’ai l’impression de mieux m’en sortir que lors de mes premières années. Mais je sais qu’il me reste plein de découvertes à faire et que je suis loin d’être au bout de mes peines et de mes dépenses.
Erwan, 21 ans, volontaire en service civique, Toulouse
Crédit photo Pexels // CC Mikhail Nilov
La phobie administrative, ça existe vraiment ?
Oui et non.
Le terme « phobie administrative » n’est pas le bon. Une phobie, c’est un trouble psychologique reconnu par le corps médical, étudié et soigné. Ce n’est pas le cas ici. L’expression a été inventée par l’ancien ministre Thomas Thévenoud pour justifier la fraude fiscale dont il était accusé. Il a d’ailleurs déposé la marque « phobie administrative » à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) quelques jours après l’avoir utilisée…
Ça ne veut pas dire pour autant que le problème n’existe pas. Beaucoup de gens se sentent dépassés par les démarches administratives, et certains finissent par développer une forme d’angoisse. Déjà, avouons-le, l’administration est une sacrée galère… Si on a, en plus, tendance à procrastiner, la montagne d’enveloppes dans l’entrée peut devenir source d’angoisses et de maux de ventre.
Parfois, les angoisses liées aux démarches administratives sont le symptôme d’un trouble psy plus profond (dépression, trouble de l’attention…) ou d’une maladie qui n’a pas encore été diagnostiquée (Alzheimer…). Bref, en cas de doute, il vaut mieux consulter un·e médecin.