Portugais, langue familiale étrangère
On mangeait tranquillement à table. Mes parents se sont alors mis à parler portugais. Moi et mes petits frères, on essayait de comprendre ce qu’ils racontaient. Au bout d’un moment, je leur ai dit : « Pourquoi est-ce que vous parlez portugais alors que vous savez bien que l’on ne parle pas un mot ! » Ils m’ont répondu : « C’est parce que vous n’avez pas besoin de savoir ce que nous disons. »
Mes deux parents sont originaires du Portugal. Ils ont déménagé en France grâce à mes grands-parents qui, eux, ont dû venir pour essayer de ne plus vivre la même vie qu’avant, dans la famine et la tristesse.
Mes parents savent donc tous les deux parler français et portugais. Même si j’ai toujours entendu cette langue, le portugais, ils ne me l’ont jamais vraiment apprise.
J’ai donc d’abord essayé de l’apprendre seul. J’ai utilisé Duolingo et j’ai demandé de l’aide à mon professeur de primaire qui le parlait. Sans réel succès.
Mes grands-parents aussi ont essayé de m’apprendre. Ils me disaient des mots avec leurs traductions en me demandant de les réciter plusieurs fois, en espérant qu’ils s’ancrent dans ma mémoire. Mais comme je ne les vois pas souvent, j’ai rapidement oublié tout ce qu’ils m’ont enseigné.
Se sentir à la maison et à l’étranger en même temps
J’adorerais apprendre le portugais pour pouvoir discuter avec les trois-quarts des membres de ma famille. Aux repas de famille, je me sens presque comme à la maison. Mais quand ils se mettent à parler, je me sens dans un pays étranger.
Il m’arrive de me sentir exclu. Pour les 50 ans de mariage de mes grands-parents, ma grand-mère a fait un discours en portugais. Je faisais semblant d’écouter alors que je ne comprenais rien à ce qu’elle disait. Une autre fois, lors d’une promenade avec mes cousins et cousines qui parlent les deux langues, on rigolait ensemble quand leur voisin nous a rejoints. Ils se sont tous mis à parler portugais. Moi, à côté, je ne comprenais rien.
Composer avec les regrets
Lors de mes voyages au Portugal, je suis déjà sorti au bar avec mes grands-parents. Je me suis senti frustré de ne pas pouvoir communiquer avec les autres enfants, de juste les regarder rigoler et jouer. Craignant d’être gêné, je n’ai pas voulu essayer d’aller les voir. Je me sentais obligé de ne pas me détacher de mes grands-parents.
Je me sens comme un véritable Portugais. Les traditions comme la musique et la nourriture me font aimer mes origines. Mais j’aimerais comprendre, écouter et parler avec les personnes qui connaissent ma langue d’origine. Oui, c’est toujours un regret pour moi de ne pas la parler. Mes parents aussi regrettent aujourd’hui que leurs enfants ne connaissent pas leur langue. J’aimerais retourner dans mon pays sans être gêné.
Lucas, 15 ans, lycéen, Val d’Oise
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