Oassim L. 04/07/2023

De l’internat à l’école buissonnière

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Oassim était interne dans un collège privé strict, avant de devenir externe dans un lycée public. Très vite, il s'est mis à sécher.

Il est 6h45, on se fait réveiller par un remix de Star Wars version électro. On essaie de gratter un peu de temps dans notre lit en attendant que le surveillant vienne nous tirer nos couettes. Dès qu’il arrive dans notre zone, tout le monde se lève d’un coup et fait semblant de se préparer. On va se laver, on s’habille, on fait nos lits, puis quand notre lit et notre armoire sont rangés, on demande au surveillant de valider pour pouvoir descendre manger.

En bas, c’est toujours la même chose : du pain avec du beurre, et soit un bol de thé, soit des céréales. Une fois fini, on reste dans la cour. S’il y en a un qui a eu la bonne idée de ramener sa balle, on joue au foot sous le préau. Trois contre trois. La première équipe à prendre cinq buts sort et laisse place à une autre. La sonnerie retentit, toutes les classes vont se ranger à leur emplacement respectif.

De mes 11 à mes 15 ans, j’ai été en internat. C’était un choix de mes parents, pour devenir autonome et être sûr de bien travailler. Du lundi 6 heures au vendredi 17 heures, j’étais loin d’eux. Je me suis très vite adapté, contrairement à d’autres qui ont passé les deux, trois premières semaines à pleurer tous les soirs.

Il y avait pas mal de trucs bien, c’était sympa. T’es tout le temps avec tes amis, notamment le soir dans les dortoirs où on met soit un film, soit un match, ou on joue à Fifa quand il y en a un qu’ose ramener sa Play. Quand il fait beau, on est dans la cour, soit à parler, soit à jouer au foot. Après, quand il fait froid, on essaie de se cacher dans les escaliers sans se faire attraper par les surveillants.

Téléphone interdit

Une fois les heures de cours passées, c’est la récréation. Ceux qui ont des sous vont direct à l’épicerie qui se trouve dans la cour pour acheter de quoi manger (chips, pain au chocolat, bonbons…). Ceux qui n’ont pas de sous y vont aussi, mais eux, c’est juste pour demander aux autres des bouts de ce qu’ils ont acheté.

Au moment du déjeuner, chaque élève se range deux par deux sur son emplacement de classe et un monsieur posté devant l’entrée de la cantine choisit qui vient manger. Il nous appelle avec un signe des doigts et s’amuse à mettre des feintes.

À 16h30, on a 30 minutes de pause avec un bout de pain et une petite barre de chocolat dedans. Si on a de la chance, c’est des croissants. À partir de 17 heures, tu vas en étude pour faire tes devoirs avec ton surveillant, et c’est le même toute l’année. Si t’as de la chance, t’as un surveillant tranquille qui te laisse parler si t’as pas de devoirs à faire, et qui peut même mettre un film si tout le monde a fini ses devoirs. Si t’en as un un peu chiant, pas de bruit jusqu’à 19h30.

20 heures ! C’est enfin l’heure de monter au dortoir, sauf pour ceux qui n’ont pas été sages ou qui n’ont pas fini leurs devoirs. Eux, ils vont en troisième étude jusqu’à 21h30. Pour ceux qui n’ont pas pu aller au dortoir directement, ils n’ont pas le droit à leur téléphone ! Bien sûr, la plupart le cachent pour le garder, surtout pour les grands matchs. Puis, on s’endort et c’est comme ça toute la semaine.

Le goût de la liberté

Mes parents ont ensuite décidé de me laisser dans le public pour le lycée. Ce passage s’est un peu fait dans la précipitation. À cause du Covid, on n’avait rien fait par rapport à l’orientation en troisième. J’ai d’abord fait une seconde pro animation, mais ça m’a pas plu. C’était un choix par défaut. Je suis alors allé dans un lycée à côté de chez moi, en première pro accueil et… ça ne m’a pas plu non plus. Vite dans l’année, j’ai su que je n’allais pas rester longtemps dans la classe. Puis l’ambiance… je n’aimais pas. Il y avait trop de bruit, des gens qui criaient. Moi, j’aime bien être concentré en cours. La plupart des gens de ma classe, je ne connaissais même pas leur nom. Et eux, comme je séchais, ne me connaissaient pas non plus.

Au lycée, c’était tout l’inverse de l’internat. La différence, c’était la liberté qu’on me laissait. Au collège, même se cacher d’un cours pendant une heure était impossible. En plus, c’était dans un village à la campagne, tu ne pouvais rien faire. Là, sécher était devenu facile. J’ai fait ça pendant deux ans. On pouvait sortir à chaque pause juste en montrant qu’on était externe. Donc forcément, moi qui pendant cinq ans avais enchaîné 8 heures – 20 heures, là si je n’avais pas envie d’aller en maths, je prenais le bus et, en dix minutes, j’étais chez moi. Il y a des cours, je crois que je n’y suis jamais allé. Genre le sport à 8 heures du mat’ en hiver, franchement…

Ma mère ne recevait pas tout le temps les messages et n’avait pas mon planning, donc elle ne savait pas exactement quand j’avais cours. Elle savait qu’il y avait des heures injustifiées. Les profs me disaient que je travaillais bien, mais que je ne venais pas assez. Il n’y avait pas de pression en fait : je séchais mais je pouvais revenir le lendemain. Alors, en avril de la première, j’ai complètement lâché.

Oassim, 18 ans, en recherche d’emploi, Paris

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