Martha F. 30/05/2023

À la télé, enfin des mannequins qui me ressemblent

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C’est en regardant une émission que Martha s’est passionnée pour la mode. Elle n’avait jamais vu de mannequins noires, ni de tenues africaines dans un défilé.

L’année passée, je regardais la télé, comme tous les jours. Mais ce jour-là, il n’y avait plus d’abonnement, donc on ne pouvait voir que quelques chaînes. En zappant, je suis tombée sur Fashion Africa. Le défilé a commencé. Moi, je pensais qu’il y avait des mannequins en plastique, blancs et blonds comme dans les boutiques. J’ai vu des femmes noires à la télé, je n’avais jamais vu ça avant. Ça, c’était beau.

La personne avait dessiné des robes que personne n’oserait porter dans la rue, parce que tout le monde allait se moquer de ce style. C’était des robes en pagne, vert, bleu, rouge, et jaune, avec plein de motifs. Elles avaient des hauts bustiers avec un côté sans manche et aussi des jupes longues avec un côté ouvert et en bas comme des fleurs. Elles avaient des cols très larges, comme une soucoupe, qui couvraient leur menton. C’était peut-être une collection été mais s’il fait chaud, tu vas jamais porter ça ! C’était beau, quand même.

C’était la première fois que je voyais des choses pareilles, ça me faisait même rire ! Les mannequins étaient sérieuses, elles ne souriaient pas, elles marchaient comme si elles connaissaient déjà là où elles allaient. Certaines avaient même les cheveux rasés. D’autres avaient des tresses ou des modèles. Bref, le défilé était bien.

Pas comme dans les films

La personne qui a réalisé la collection est passée à la fin du défilé, j’étais contente de la voir. Tout le monde était en train de l’applaudir, au moment des robes de mariées. Pas comme on voit dans les films, par exemple la robe de Liza, dans Un prince à New York. Elle avait une robe de princesse très longue. Mais là, c’était différent.

Je ne sais pas comment l’expliquer, c’était des modèles très compliqués. C’était déchiré, parfois court, parfois long. Les mannequins avaient des voiles devant le visage, parfois à côté du visage, c’était très varié !

Il y avait un bouquet de fleurs mais il était cousu sur la robe, sur son ventre. Du coup, la mariée n’avait pas besoin de le porter. Imaginez vous allez comme ça à l’église le jour de votre mariage ! Pour moi, c’était beau, je n’avais jamais vu ça. Ça montre que le styliste a plein d’idées.

Pour moi, la mode, c’est une histoire d’influence

Ce que j’aime dans la mode, c’est les défilés parce que tout est possible. J’aime quand les mannequins marchent, quand les stylistes confectionnent des pièces qui sortent de l’ordinaire, qui n’attirent pas forcément les gens au départ. J’aime voir comment ils dessinent avec le fusain pour faire les croquis.

Dans ma famille, je suis la seule intéressée par la mode. Avec mon amie, c’est notre passion à toutes les deux ! Comme je n’avais pas de téléphone, c’est elle qui me montrait des photos de mannequins, comme celles de Bella et Gigi Hadid. Mon amie m’a dit qu’elles étaient sœurs, Bella est trop jolie ! Je connaissais déjà Kendall Jenner parce que je regardais les Kardashian à la télé, sur la chaîne « E ». Sinon j’aime bien la marque Versace, Dolce & Gabbana et Nike.

Rosa a découvert le luxe avec la téléréalité et les réseaux. Elle a même pu réaliser son rêve : intégrer le monde de la mode.

Capture d'écran de l'article "influencée par les influenceuses" publié sur le site de la ZEP le 18/10/2022. Photographie d'une femme de trois quart dos, les cheveux long noir sur le côté, en débardeur à bretelle, sa main gauche dans ses cheveux cache son visage. Elle se tient devant un miroir, et son téléphone posé sur un trépied au premier plan.

Moi, je veux influencer les gens, comme les modèles dans la mode. Je parlerai de Mama Cax, de son vrai nom Cacsmy Brutus. Elle avait un pied amputé, mais ça ne l’a pas empêché de poursuivre ses rêves et de se battre. Comme c’était une bonne, il y a une journée en sa mémoire. Au final, elle est aussi membre des personnes influentes de la mode. Tout comme Naomi Campbell, issue d’une famille pauvre. Nous aussi on peut réaliser nos rêves avec beaucoup de courage et beaucoup de travail.

Martha, 12 ans, Île-de-France

 

 

La mode, un monde raciste ?

En 2013, on comptait seulement 6 % de mannequins noires sur les podiums de la Fashion Week. 82,7 % des mannequins embauchées pour les défilés étaient blanches. La minorité ethnique la mieux représentée restait les asiatiques.

Quand des mannequins noires étaient castées, c’est souvent qu’elles répondaient à des critères de beauté occidentaux, comme Naomi Campbell ou Jourdan Dunn. Le racisme dans les défilés, la mannequin Nyakim Gatwech le connaît bien : on lui a même reproché d’être « trop noire ».

Pour la Fashion Week 2022, on comptait 48,6 % de mannequins non blanches ! Avec l’influence des mouvements Black Lives Matter et Body Positive, certaines maisons de couture et directeurs de casting semblent faire des efforts en matière de diversité ethnique. Niveau inclusivité et diversité morphologique ça reste timide…

Bref, être noire, vieille, grosse ou handicapée sur un podium, c’est encore un évènement. Et quand ça arrive, c’est souvent une stratégie marketing !

Une mode occidentale pour les Occidentaux ?

En coulisses, la diversité chez les professionnel·les du secteur, comme les créateurs et créatrices, c’est pas non plus encore ça… Alors même que les motifs, formes, tissus africains et la culture noire ont toujours inspiré les grandes maisons de couture.

Pour désinvisibiliser les designers issues de minorités ethniques, Adama Amanda Ndiaye a créé la « Black Fashion Week ». Un événement annuel dans plusieurs capitales de la mode pour mettre à l’honneur l’artisanat africain et les stylistes issu·es de la diaspora noire. En 2014, elle lance « Fashion Africa TV », la première chaîne de télévision entièrement réservée à la mode africaine.

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