Sunnah M. 24/01/2024

À l’école et dans la rue, on scrute ma tenue

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En septembre 2023, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation, faisait les gros titres avec son interdiction de l’abaya à l’école. Sunnah l’a vécu comme une discrimination de plus envers les musulmanes de France.

En tant que femme musulmane qui porte le voile, j’ai l’impression qu’on me soupçonne toujours d’un truc. La dernière fois, c’était le jour de la rentrée, le 2 septembre 2023. J’avais mis une robe rouge longue qui m’arrive aux chevilles. Les surveillantes et la CPE m’ont laissée entrer dans l’établissement. Mais juste après, le principal et le principal adjoint m’ont prise à part.

Ils m’ont dit ne de plus mettre ce genre de robe car « on n’a pas le droit à l’abaya au collège ». Je leur ai expliqué que ce n’en n’était pas une. Mais ils m’ont dit : « On ne connaît pas tes intentions en mettant cette robe, donc tu ne dois plus la mettre. » Sur le moment j’étais choquée, outrée, mais j’ai simplement dit : « OK. » Depuis ce jour, quand j’arrive au collège, je les vois regarder ma tenue pour s’assurer que je ne porte pas ce genre de vêtement.

Discriminée au quotidien

En France, on parle beaucoup de l’abaya. Moi, j’ai l’impression que c’est juste un soupçon de plus envers nous, les femmes voilées. On ne peut plus mettre une robe longue sans être discriminée. Quand j’en porte, je sens les regards sur moi, j’entends les chuchotements. Je préfère faire semblant de ne pas entendre.

Parfois, on m’arrête dans la rue pour me demander pourquoi j’ai mis « ça » sur ma tête, pour me dire que Dieu n’existe pas ou que l’islam ne sert à rien. Un jour, un homme m’a arrêtée pour me dire que la religion islamique n’existait pas. Que je devais « enlever ce truc que j’avais sur ma tête ». Je crois qu’il était bourré car il avait une bouteille dans la main. Sur le coup, j’ai eu peur, on m’a toujours dit de ne jamais provoquer quelqu’un de bourré. Je l’ai quand même mal regardé et je suis partie.

Le voile interdit à l’école mais pas Noël

Je mets le voile parce que je crois en ma religion et que je l’aime. Je ne comprends pas ce qu’on me reproche. Moi, je ne juge aucune religion, chacun ses croyances. Je ne vois pas pourquoi on juge la mienne.

En fin de compte, je crois que c’est juste du racisme et de la discrimination envers les musulmans. Ce n’est pas parce qu’on porte une robe longue qu’on est des terroristes. Ce n’est pas parce qu’on porte un voile qu’on doit nous mettre de côté. Pourquoi ce serait plus difficile pour quelqu’un comme moi de trouver un travail ? Je suis un humain comme les autres.

J’envisage de partir de ce pays. Il se dit « laïque » mais il interdit beaucoup de choses aux musulmans. Et pendant ce temps, on continue de fêter Noël à l’école. Je voudrais faire mes études à Londres même si je sais que c’est cher. Je trouve que c’est beaucoup mieux quand on est voilée. Ils ne jugent pas là-bas. Et je partirai vivre en Corée du Sud par la suite. Je pense que ce sera beaucoup mieux pour moi.

Sunnah, 14 ans, collégienne, Marseille

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