En grande précarité avant d’avoir mes papiers
Je suis une jeune Comorienne. En 2019, j’ai eu mon bac et les portes de la réussite m’étaient ouvertes : je commençais ma première année de droit à l’université des Comores. Malheureusement, là-bas, même si tu termines tes études, c’est difficile de trouver un travail.
En plus, nous sommes sept frères et sœurs, et mon père est mort après mon bac, alors ma famille a pensé que ma vie serait meilleure en France. Mon fiancé, que je connais depuis l’enfance, y était déjà installé.
Le début des galères
J’ai eu mon visa le 15 septembre 2021. Dès mon arrivée à Marseille, la vie est devenue très dure. Comme nous n’étions pas mariés, nous ne pouvions pas vivre ensemble. Il était chez son père, et moi, j’ai été recueillie par une dame comorienne. D’abord gentille, elle a totalement changé au bout de trois mois, sans aucune raison. Elle a dit à ma tante qu’il fallait que je cherche un autre endroit où vivre. Elle m’a même volé 40 euros un jour.
J’étais vraiment triste. J’appelais ma mère en pleurant. Je voulais rentrer aux Comores. Elle m’a dit : « Ma fille, écoute. La souffrance que tu as maintenant sera la clé de ton bonheur futur. » Je l’ai écoutée et, un peu plus tard, une tante qui vivait chez sa belle-sœur a accepté de m’héberger. Là aussi, c’était dur : je devais faire le ménage tous les jours, les enfants de la maison me parlaient mal, me regardaient mal, je ne pouvais pas utiliser leur wifi…
Deux mois plus tard, j’ai donc à nouveau déménagé. J’ai rencontré une dame mariée à un homme de mon village. Elle m’a proposé de vivre avec elle, j’ai dit oui, mais j’ai commencé à comprendre qu’il fallait que je me batte pour ma famille, c’est-à-dire travailler. Mais comment faire sans avoir de papiers ?
Embauchée sous une fausse identité
Une copine d’un réseau social m’a alors proposé une idée vraiment risquée : elle m’a dit que pour les Français, nous les Noirs, on se ressemble tous, et qu’elle pouvait donc me donner ses papiers pour que je travaille, à condition que ça soit en dehors de Marseille. J’ai accepté. Je suis allée en Bretagne, précisément à Lorient, où j’ai trouvé un travail dans une entreprise spécialisée dans la préparation des crustacés. J’ai signé mon tout premier contrat. Un CDD de six mois, avec un salaire de 1 300 euros. À ce moment-là, ma vie a enfin un peu changé.
Le soir, nous étions six dans un appartement, un T3, pour 200 euros de loyer par personne. Je devais dormir dans la même pièce qu’un homme, un Comorien. C’était très compliqué pour moi qui suis une femme musulmane mais je souhaitais changer ma vie une bonne fois pour toutes. Partager ma chambre avec lui était vraiment insupportable. Je dormais en jean au lieu d’être en pyjama. Surtout qu’il avait des sentiments envers moi.
Cinq mois plus tard, un matin, alors que nous n’étions que tous les deux, le mec m’a demandé de coucher avec lui si je voulais rester dans l’appartement. Je pleurais, je le suppliais de me laisser tranquille le temps de finir mon contrat. Il a commencé à m’insulter, mais a fini par arrêter.
La lumière se profile
Quelques jours après, j’ai reçu mon récépissé, ma carte vitale, et je suis aussitôt retournée à Marseille. Mon fiancé m’a proposé de venir à l’école de la deuxième chance pour suivre une formation de remise à niveau et préparer mon projet professionnel : obtenir un CAP petite enfance et devenir assistante maternelle. Mon rêve.
Aujourd’hui, mon fiancé a eu son diplôme de plombier, j’ai commencé ma formation, j’ai un titre de séjour de deux ans, et nous allons finalement vivre ensemble dans un appartement.
Famina, 22 ans, en formation, Marseille