La haine
Tout a commencé par une simple chute. J’avais environ 14 ans. C’était pendant un match d’entraînement, sans importance donc. Je me suis blessé au niveau du mollet et de la cuisse à cause d’un autre joueur. Cette blessure m’a forcé à arrêter le football, ma passion. Je devais passer des essais pour le centre de formation du Stade Rennais, alors ça m’a énormément déçu.
J’ai commencé à sortir. D’abord quelques fois dans la semaine, puis tous les jours. Je partais le midi pour rentrer très tard le soir, voire pas du tout. Je me souviens des messages de ma mère la fois où je ne suis pas rentré pendant plusieurs jours sans prévenir personne : « Tu es où ? Je m’inquiète ! »
Plus les sorties s’enchaînaient, plus je changeais. Mes émotions prenaient de plus en plus le dessus. Je n’arrivais pas à me défaire de cette déception, qui provoquait une sorte de haine. J’ai commencé à mal parler, à fumer, à boire et bien sûr à me battre. À l’école, je n’écoutais plus.
Exclusion et prison avec sursis
Un matin, on s’est mal parlé avec un mec de ma classe. Il a insulté ma sœur et m’a mis un coup avec son diabolo. Moi, je l’ai balayé. Chacun est parti de son côté. L’après-midi, il m’a de nouveau insulté. Je l’ai encore frappé. À la fin des cours, il est revenu me voir. Il m’a provoqué. Moi aussi. Il a essayé de me mettre un coup de poing, je l’ai bloqué et je lui en ai mis trois, jusqu’à ce que l’on m’en empêche.
Le lendemain, j’étais convoqué dans le bureau du directeur et renvoyé. Et le même jour, je me suis retrouvé au commissariat. Le gars avait porté plainte contre moi. Au tribunal, le procureur n’a rien voulu entendre. J’ai été déclaré coupable et j’ai écopé d’un sursis de deux ans. J’ai mal vécu cette histoire : j’avais l’impression que le monde était contre moi, simplement parce qu’il avait porté plainte et pas moi.
J’ai ensuite fait ma troisième dans un autre collège, chez ma grand-mère. J’ai été plutôt calme. Par contre, après mon retour chez ma mère, j’ai rencontré mon meilleur ami, qui est aujourd’hui en prison. Cette année-là, j’ai fait toutes mes conneries avec lui : consommer de la drogue, en vendre, arriver défoncés en cours, embrouiller les profs. Aujourd’hui, je me rends compte que c’était assez bête. Mon ami a fini par être viré. Moi, j’ai redoublé.
« J’ai explosé de rage »
L’année suivante a été plus calme, sauf une histoire vraiment importante. Il y a eu une soirée où on était vraiment nombreux, environ 70 personnes. Un gars a touché ma copine, alcoolisée. C’est un pote qui m’a dit qu’il avait entendu du bruit en haut, là où se trouvait ma copine. Je suis monté, elle était en pleurs, avec la main du gars au niveau de ses parties. J’ai explosé de rage. Je lui ai mis plusieurs coups en criant : « Tu fais quoi ? » Sa réponse m’a encore plus énervé. « Rien ! » Je l’ai sorti du lit en le jetant contre le mur et j’ai continué à lui donner des coups.
Un ami est arrivé pour me demander ce qui se passait. Après l’explication, il l’a emmené dehors pour, lui aussi, le frapper. Mais je ne voulais pas qu’on me vole ma « proie », alors je l’ai poussé et je me suis remis face au type. Je l’ai balayé puis lui ai mis une bonne trentaine de coups de pied jusqu’à ce qu’on finisse par m’arrêter. Je ne sais pas par quelle force il a réussi à s’enfuir, avec plusieurs os cassés.
J’ai bien évidemment été convoqué à la gendarmerie. J’ai précisé qu’il avait agressé sexuellement quelqu’un, mais, d’après les gendarmes, il n’y avait aucune preuve de cela. Au tribunal, ils ont été plus compréhensifs et m’ont proposé plusieurs options. Je pouvais changer ma version des faits pour espérer m’en sortir ou rester sur ma version de départ mais en risquant plus gros. Je n’ai pas eu le fin mot de cette histoire.
J’ai démarré une formation à la mission locale, avec que des potes. Il y a eu quelques bagarres, mais je me suis calmé sur beaucoup de choses. C’était franchement une de mes meilleures années qui m’a permis de remettre de l’ordre dans ma tête. J’ai arrêté de fumer ou de vendre de la drogue. Je réfléchis enfin à mon futur plutôt que de vivre seulement dans le présent.
Lucas, 20 ans, en recherche d’emploi, Carhaix
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