Mes parents m’ont envoyé au Mali à cause de mes bêtises

J’habitais à Saint-Denis, près de la basilique, dans le quartier de Four-K. En quatrième, mes fréquentations se sont dégradées, et j’ai commencé à traîner dans des cités au lieu d’aller en cours. Avec les Grands qui vendaient des choses pas très légales. Quand je les voyais avec de l’argent et des nouveaux vêtements toutes les semaines, ça me donnait envie de faire pareil.

Avant tout ça, j’avais un ami avec qui j’étais tout le temps, mais on s’était disputés et on avait fini par ne plus se parler. J’avais donc trouvé un autre groupe d’amis. À l’école, j’étais un élève calme, réservé et qui ne parlait pas beaucoup aux gens. Mais, à partir de ces nouveaux « amis », je suis devenu un élève qui répondait aux profs, qui ne voulait pas travailler et qui était très souvent absent. Mes notes ont baissé et je n’arrivais même plus à avoir la moyenne.

Malgré tous ces changements, à la maison rien n’avait changé. J’étais toujours aussi calme mais, dès que je mettais un pied dehors, je devenais une nouvelle personne. Mes parents ont commencé à avoir des doutes sur moi parce qu’ils recevaient des mails disant que j’étais absent.

Je n’y croyais pas, jusqu’à l’aéroport

Un jour, j’ai dit à ma mère que j’allais en cours mais elle m’a suivi et elle m’a vu me poser avec les Grands au quartier. Elle m’a appelé, m’a ramené à la maison, et m’a menacé de m’envoyer au Mali si je continuais à lui mentir, chez mon oncle, parce qu’il est sévère. Elle voulait que je vois comment les gens au bled galèrent à avoir une bonne vie et à avancer dans les études. Généralement, quand j’entendais une conversation concernant le Mali, c’était plutôt une vision négative de personnes qui ne vivent pas très bien : dans des petites maisons, avec peu de moyens et beaucoup d’enfants.

Pendant quelques mois, j’ai continué à traîner. Ma mère le savait, mais ne me disait rien. Une fois, mon père m’a parlé pendant une ou deux heures mais j’étais très têtu et je me foutais de ce qu’il me disait. Puis, un jour, ils m’ont dit : « Prépare-toi, tu vas au Mali la semaine prochaine. » Je n’y ai pas crû, jusqu’au moment où je me suis retrouvé dans l’avion. Au moment du départ, je me suis dit que ça serait cool au Mali car j’y étais déjà parti pour les vacances. Mais cette fois je n’y allais pas pour m’amuser.

Pas vraiment une punition

Arrivé au Mali, mon oncle est venu me chercher et m’a amené chez lui. C’était un prof de maths et de philosophie. Il m’a dit que, pendant un an, j’allais être dans sa classe. Finalement, il n’avait pas l’air si sévère que ça.

En dehors des cours, la vie était plutôt bien, je vivais avec mes cousins. Ils ne me mettaient pas à l’écart, je n’avais pas vraiment l’impression de vivre une punition. Je participais aux tâches ménagères et on faisait des sorties ensemble : jouer au foot, se balader, etc. En dehors de l’école, je rejoignais souvent les amis de mes cousins pour jouer au foot.

À la maison, mon oncle n’était pas sévère avec moi, mais il insistait beaucoup pour que je fasse mes devoirs et que je révise pour ne pas avoir de mal en cours.

En classe, il l’était un peu plus car je me déconcentrais très vite et je me laissais vite distraire. Dès que j’étais distrait, il me rappelait de suivre. Mais, après trois mois, j’en avais marre des cours. J’avais l’impression d’être en primaire tellement le niveau était bas, et les sanctions quand on ne faisait pas nos devoirs étaient dures. On nous frappait ou on nous mettait à genoux devant le tableau. Je me suis donc dit : « Il faut que je retourne en France. »

Envol secret pour la France

J’ai su que mon cousin, en vacances au Mali, allait repartir en France. Je l’ai appelé, je me suis arrangé avec lui et j’ai acheté un billet avec de l’argent qu’il m’a prêté.

Le jour arriva, le vol était le soir vers 18 heures. J’ai fait semblant d’aller à l’école comme tous les jours, sauf que j’ai pris un taxi pour la capitale (où il y a l’aéroport).

Quand je suis arrivé en France, les parents de mon cousin sont venus nous chercher à l’aéroport. Ils ont prévenu mes parents que j’étais rentré sans leur autorisation et m’ont déposé chez moi. Quand mes parents m’ont revu, au début, ils voulaient me renvoyer au Mali. Mais j’avais compris la leçon et j’étais prêt à retravailler à l’école et à oublier la cité.

Finalement, comme on a déménagé, ils ne m’ont pas renvoyé. Maintenant, je suis dans le 77 et je me sens bien. J’ai trouvé de nouveaux amis, j’ai repris le foot et j’ai recommencé à travailler à l’école.

Oumarou, 19 ans, en formation, Chelles