Paul P. 30/06/2022

Mes parents, entre pression et course à l’orientation

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Non diplômés, ses parents souhaitent offrir à Paul un avenir différent. Depuis le collège, ils l'entraînent dans une étouffante course aux notes et à l'orientation.

Parfois, les études, c’est compliqué. Sans parler simplement du travail, il faut aussi prendre en compte tous les problèmes qui les accompagnent, comme… mes parents. En pensant connaître mes propres goûts mieux que moi ou écarter mon avis car je suis encore « jeune ». Trop jeune pour décider de mon orientation.

Dégoûté des forums

Je suis en seconde, et une fois entré dans le supérieur, j’aimerais faire des études d’ingénieur. C’est les écoles comme l’ESTACA (Ecole supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile), qu’on a déjà visitées, qui correspondaient au domaine qui m’intéresse. C’est-à-dire là où il faut dessiner les plans de machine, où il y a de la science, etc.

Mes parents sont oppressants à ce sujet et ne me laissent pas beaucoup de liberté avec ça. Ils sont assez stressés et prennent beaucoup, voire trop, de place à cause de ça puisque je suis leur seul enfant. Ils veulent que je suive des meilleures études qu’eux, car ils n’en ont pas fait. Donc, des fois, ça peut amener à des situations vraiment détestables.

Entendre plusieurs fois la même chose

Aussi, dès que mes parents apprennent qu’il y a un forum des métiers ou des études dans les alentours, ils sautent sur l’occasion. Et je suis forcé d’y aller. Donc depuis trois ou quatre ans, j’ai dû visiter une dizaine de forums. Quand moi j’entends des choses que j’ai déjà entendues plusieurs fois au lycée, ou dans les précédents forums, eux trouvent ça intéressant. Ils sont très intéressés par les stands de présentation d’écoles, prennent pleins de brochures.

À force, j’ai fini par détester les forums. Avant, j’aimais bien le principe du lieu de convivialité où on est censé se renseigner pour notre futur. Mais c’est devenu un lieu ennuyant à mourir. Où je dois essayer de penser à autre chose pendant quasiment trois heures.

Par exemple, un vendredi soir il y a quelques mois, après avoir enchaîné des cours nuls et soporifiques, ma mère me dit : « Au fait, Paul, demain matin à 9h, on va visiter une école d’ingénieur ». Donc, j’avais du mal à comprendre parce que j’avais déjà été voir au moins trois écoles, entre la troisième et la seconde, qui m’intéressaient. Et j’étais sûr de mon choix. Donc je leur ai fait part de ça. Et ils me répondent que même si je suis sûr de mes choix et qu’ils me disent que ce sont des bons, il faut quand même visiter plusieurs écoles.

« C’est une école d’ingénieur. Ça va te plaire »

Et bien sûr, je leur avais posé des questions sur cette fameuse école. Ils m’ont dit : « C’est une école d’ingénieur, tu verras, ça va te plaire ! ». Mais bon, je n’étais toujours pas convaincu. Je suis donc allé voir cette école dans l’idée que c’était une perte de temps, et j’avais raison.

Lorsqu’on est arrivé, un homme d’âge moyen est venu nous voir pour nous demander si nous avions besoin de renseignement. On a dit que oui, et il a commencé à nous parler de statistiques. Donc là, j’ai commencé à me poser des questions. Je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment un problème, quand un diplômé qui a commencé à nous faire visiter l’école, nous a montré une bibliothèque remplie seulement de livres de statistiques, à nous parler de TP sur les pourcentages, sur les taux, etc. Et c’est là que j’ai compris que ce n’était pas du tout une école basée sur l’ingénierie aéronautique, spatiale, ferroviaire, navale et tout ça.

« Au moins, on sait quelle école ne pas prendre »

Mes parents m’avaient fait visiter une école sans même me demander mon avis. Et ils ne s’étaient même pas renseignés sur cette école. Donc là, j’apprends que j’ai perdu mon temps, bien sûr. L’étudiant s’en est rendu compte et a fait en sorte d’écourter la visite. La seule excuse que mes parents ont trouvée quand on est sorti, c’était « Au moins, maintenant on sait quelle école il ne faut pas que tu prennes ».

Alors forcément, j’avais la haine. Mais de toute façon donner mon avis ou tenter de discuter dans ce genre de situation, c’est comme essayer de parler à quelqu’un qui perd ou recouvre l’ouïe en fonction de si ça l’arrange ou non. Que la visite m’ait plu ou non, je n’en parle pas, histoire d’éviter une dispute inutile.

« C’est pas ça qui va te faire gagner ta vie »

Pour que ce soit plus drôle, à chaque fois que j’ai une note qui ne leur convient pas, comme un 14/20, ils commencent à prendre un ton énervé et à me dire « Tu ne fais jamais rien ! » ; « T’arriveras à rien si tu continues comme ça ! ». Et moi, à côté, je pense que travailler comme un acharné pour avoir 18 de moyenne, ça veut dire abandonner ma vie sociale et ce qui me fait tenir, comme le sport ou la lecture.

Au final on en revient toujours au même, ils n’écoutent que ce qui les arrange. Donc si je leur parle de ça, ils me diront un truc du genre « Oui, mais ça c’est accessoire. C’est pas ça qui va te faire gagner ta vie » Bon… On peut tous dire aussi que ce n’est pas un 18 de moyenne qui me fera décoller dans le monde professionnel. Mais il ne vaut mieux pas que je leur dise parce que ça ne ferait qu’empirer les choses.

Pressé comme un citron

D’ailleurs, l’accès au monde professionnel, il faut en parler de ça aussi. J’ai appris récemment que des ingénieurs diplômés d’écoles françaises ou même de beaucoup plus haut, comme Harvard ou Stanford, sont au chômage ou sont refusés lors de leurs entretiens. Donc je commence à me dire qu’en plus de la pression des parents, il y aura aussi le problème de trouver du travail. Parce que si je dois bûcher comme un dingue pendant cinq ans (la durée des études d’ingénieur après le bac), je n’ai pas vraiment envie qu’on me dise que c’était inutile.

Donc, au final, j’ai l’impression d’être pressé comme un citron dans le monde scolaire à cause de mes parents qui m’oppressent sans arrêt en posant des tas de questions.

J’aurais aimé aborder le sujet des études supérieures un peu plus par moi-même au début. Et puis se renseigner en présentiel plus tard, en parlant avec les intervenants. Sans que mes parents me prennent la parole et prêtent plus d’importance à leurs questions qu’aux miennes. J’aurais aimé ressortir content de ces endroits. Mais ce n’est apparemment pas possible.

Paul, 15 ans, lycéen, Laval

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