Nila R. 06/10/2024

« J’ai peur de grandir »

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À l'approche de sa majorité, Nila se demande quel genre d'adulte elle va devenir. Elle a peur que la joie et la légèreté de l’enfance s'effacent avec le temps.

J’envie le monde des enfants et leur innocence. Pour moi, quand on est enfant, le monde est rempli de couleurs vives. On est plein d’envies. Tu ne te casses pas la tête à essayer de savoir ce que tu voudrais faire plus tard. Tu choisis un métier qui te plaît et tu dis haut et fort que tu le feras. Même si tu changes d’avis dans l’heure qui suit, ce n’est pas grave. Parce que tout est possible.

Tu veux devenir ami avec quelqu’un ? Bah, tu vas le voir et tu lui demandes simplement : « Est-ce que tu veux être mon ami ? Tu veux courir dans tous les sens ? » Tu le fais sans te poser de questions et tu profites. On se moque du regard des autres parce qu’on est heureux comme ça.

J’ai un peu de mal à me projeter dans le futur, à savoir ce que j’aimerais faire, qui j’aimerais être, mais j’aimerais me sentir libre, être encore joyeuse pour des choses simples du quotidien, continuer à rêver et à imaginer des choses, à me construire tout un univers…

« Je voulais que tout soit parfait »

J’ai peur qu’en grandissant, je devienne une adulte fade, insipide. Une adulte qui ne rêve plus ou qui ne se l’autorise pas. Un adulte qui subit son travail, son quotidien et qui n’est pas épanouie dans sa vie. Je n’ai pas envie de grandir en me disant que je dois « subir » ma vie. J’ai peur de me réveiller un jour et de me dire que je suis devenue comme ça. J’ai peur de me dire que je n’ai pas assez profité de ma vie, de l’instant présent. Du coup, je me mets une pression pour que chaque moment devienne mémorable.

L’épidémie du coronavirus a joué un rôle dans mon raisonnement, mes réflexions et mes questionnements. Je me suis rendu compte que je me mettais trop de pression par rapport à l’école. Je voulais toujours que tout soit parfait. Je voulais être dans les meilleurs de ma classe. J’avais l’impression qu’on allait plus m’aimer comme ça. Je passais mon temps à réviser pour être sûre de réussir, alors que je voyais des amies pour qui cela semblait plus facile.

Puis, ça a craqué. Je n’avais plus envie d’y aller. J’ai réfléchi et je me suis rendu compte que je n’aimais pas le système scolaire. En plus, j’avais d’autres problèmes personnels à ce moment-là. En accord avec ma mère, j’ai décidé d’arrêter l’école et de suivre les cours en distanciel. Mais ça a été compliqué. J’ai perdu mes amis et j’ai eu une phase où je restais chez moi sans rien faire. Je ne sortais pas trop et j’avais peur de commencer quelque chose. J’avais l’impression d’être seule dans un trou noir.

« C’est quoi, être grande ? »

Le fait de penser à travailler, ça me stresse. Je ne m’imagine pas le faire pour l’instant. Parfois, ma mère me demande si j’ai envie de bosser l’été. À chaque fois, je lui réponds que je ne me sens pas encore prête parce que, pour moi, c’est trop « adulte ». J’aimerais le faire, ou même faire les saisons, mais j’ai peur. Je me dis toujours que je le ferais quand je serais plus grande, mais c’est quoi être grande ? Si je reste dans ma peur, je ne serais jamais assez grande.

Aujourd’hui, j’essaie de façonner la vie dont je rêve. Je rencontre de nouvelles personnes, je m’ouvre au monde et aux autres. Je sors de ma zone de confort. Mais c’est dur. Il y a des jours où je n’y arrive pas et c’est normal. J’essaie quand même, à mon rythme, pour la petite fille que j’étais et qui rêve en grand.

Nila, 17 ans, en formation, Wasquehal

 

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