« Pour les jeunes filles, la France, c’est mieux ! »
Il était beau, gentil et il travaillait bien. Mes parents ont décidé pour moi que c’était le bon mari. Ils se disaient que j’allais être bien avec lui. Ils avaient raison.
J’ai 50 ans et mon mari a neuf ans de plus. C’est un bon mari avec moi. Il est cuisinier à Fontainebleau. Il est premier chef ! Nous avons trois enfants. Une fille aînée de 24 ans et des jumeaux : une fille et un garçon de 20 ans.
Je me suis mariée avec lui en 1998, au Bangladesh. Nos deux familles se connaissaient très bien. Mon père et ma belle-mère sont cousin-cousine. Quand on était petits, mon mari et moi, on se voyait souvent.
Je suis venue en France en 2006, à l’âge de 32 ans. Mon mari travaillait ici depuis 1990. Il a étudié jusqu’au master à Dacca, la capitale du Bangladesh mais il n’y avait pas de travail pour lui là-bas. Moi, j’ai étudié jusqu’à 16 ans parce que je me suis mariée.
Une situation qui se dégrade pour les femmes
Mes amies au Bangladesh ont continué leurs études. Une est professeure, par exemple. Une a fait des études mais est devenue femme au foyer. Dans mon pays, il y a beaucoup de monde et pas beaucoup de travail, donc les femmes travaillent moins que les hommes.
Récemment, ma mère, qui habite au Bangladesh et que j’appelle tous les jours, m’a dit que c’était de pire en pire pour les filles dans mon pays. Elles ne vont plus à l’université et au collège toutes seules. Leurs parents les accompagnent parce que les garçons ont de mauvais comportements. Quand une fille est dans la rue, les garçons peuvent l’attraper, la toucher ou l’insulter. Pas mal de garçons ne veulent pas que les filles aillent à l’école. Ce changement de mentalité date de dix ou quinze ans, je dirais.
Quand je vivais au Bangladesh, je pouvais aller à l’école seule. J’y allais à pied. Il y avait trois kilomètres pour aller à l’école. Je n’ai jamais eu peur. Sur le chemin, il y avait les filles d’un côté et les garçons de l’autre, mais ils ne venaient pas nous embêter. À l’école, c’était mixte. Avant, il n’y avait jamais de problème, mais maintenant pour les jeunes filles, la France, c’est mieux !
Je parle de cela avec mes filles. Elles me disent que le Bangladesh ce n’est pas bien et qu’elles ne sont pas en sécurité là-bas. Ici, elles se promènent seules pour aller à l’université ou à Paris. Ma grande fille est partie à Nice avec la petite en week-end. L’année dernière, elles sont allées en Italie. En Espagne aussi.
Anju, 50 ans, femme au foyer, Avon
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