Issa O. 13/12/2023

Roumain avant d’être Malien

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La mère d’Issa est roumaine. Son père est malien. Deux cultures entre lesquelles il ballote depuis son enfance.

Être métisse de métisse c’est une galère au niveau culturel, surtout quand il s’agit de deux cultures qui n’ont rien à voir. Ma mère est née en Roumanie dans les années 70, sous la dictature de Ceausescu. Elle était métisse et la vie n’est pas facile dans une dictature raciste et fermée comme celle-là. Elle m’a souvent parlé des insultes qu’elle entendait, des « sale nègre » qu’on lui jetait à la figure. Et du rejet de sa mère qui avait honte d’avoir une fille métisse, et qui a même essayé de l’abandonner devant un orphelinat.

Mon père vient du Mali et a une tout autre culture. Par exemple, je sais qu’il a plusieurs femmes, ce que ma mère n’aime pas du tout. Il est aussi très musulman et veut absolument que je le sois aussi. Il me dit que les musulmans doivent transmettre leur religion à leurs enfants. C’est un devoir dans l’islam. Alors je prie avec lui quand il est là et souvent… Je m’ennuie. Lorsqu’on est ensemble à la mosquée, je me sens comme un intrus.

Je n’ai rien contre l’islam. C’est une belle religion, mais être forcé à être musulman, c’est chiant.

Roumain malgré tout

Je suis allé dans mes deux pays d’origine. Quatre fois en Roumanie. C’est un pays aux couleurs fades. Les immeubles sont simples et gris, mais la bouffe est trop bonne et on y danse beaucoup : la Hora, la Sârba, la Perinita, la Românește de purtat, la Hategana, la Fecioresc et surtout le Pe picior.

D’ailleurs, il y a une chose qu’en France on oublie parfois de dire, c’est que les gitans ne sont pas que roumains. Ce sont des métisses eux aussi. Comme moi. Un mélange de beaucoup de peuples d’Europe de l’Est. D’ailleurs, vu que je comprends le roumain, ça me fait rire de voir dans le métro que les « mendiants » se foutent en fait pas mal des Français, juste en face d’eux, sans qu’ils le comprennent. Il y en a beaucoup qui font semblant d’être pauvres ici, mais qui sont très riches là-bas.

Même si la dictature est terminée, il y a encore beaucoup de racisme en Roumanie. Par exemple, quand ma mère et moi étions en vacances dans un hôtel, nous étions constamment regardés de haut. J’ai demandé à ma mère : « C’est comme ça que les Roumains traitent les Noirs ? ». Elle m’a dit que c’était surtout ceux qu’on ne connaît pas qui nous traitent comme ça, et que la majorité des gens, lorsqu’on les connaît, sont chaleureux.

J’aimerais en dire autant du Mali. Je n’y suis allé qu’une fois et j’espère vraiment ne jamais y retourner. Là-bas, ma famille reste tout le temps à la maison. On ne fait rien et j’ai entendu plein d’histoires de famille qui se faisaient trahir par des gens qu’ils considéraient comme des frères.

Je pense que si je devais choisir entre mes deux cultures, je choisirais la roumaine. C’est vraiment celle qui m’intéresse le plus, et je ne remercierai jamais assez ma mère d’avoir eu la chance d’y accéder.

Issa, 14 ans, collégien, Villiers-le-Bel

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