Travailler en intérim pour aider mon père
Un jour, je suis allé dans le 15e arrondissement et je me suis inscrit à Humando, une agence d’intérim. Les gens étaient bien : même pas une semaine après, Sara m’a trouvé un truc. C’est devenu une pote, Sara. Parfois elle m’appelle et elle me propose une mission. Il y a aussi Isabelle. Elle, je l’ai rencontrée sur l’application Iziwork, on ne se connaît que par téléphone. Elle essaie de me trouver du boulot, mais ce n’est pas évident, ça demande souvent le permis B.
J’ai commencé l’intérim après l’obtention de mon bac pro en équipier polyvalent commerce. J’ai arrêté l’école parce que j’avais besoin de travail, je voulais aider ma famille. Mon père est à la retraite. Je le voyais payer les loyers de 500 euros et quelque, c’était trop pour sa retraite de 800. Il ne m’a jamais rien demandé. Il a même insisté pour que je continue l’école. Mais de mon point de vue, c’était impossible.
Mon père a fini par comprendre. J’ai cherché à gagner ma vie en travaillant bien. J’ai déposé mes CV dans les magasins, j’ai postulé sur internet et dans les boîtes d’intérim. Quand tu viens juste d’arrêter l’école, tu vois que les entreprises attendent un certain niveau de diplôme. Elles recherchent un profil avec déjà plusieurs années d’expérience. Les agences d’intérim sont les seules à prendre des débutants sans expérience. Après mon inscription, Isabelle m’a appelé pour me proposer un poste de préparateur de commande.
Un travail épuisant
C’était trop physique ce travail ! Tu passes tes journées à filmer des palettes et tes semaines à tirer des transpalettes. Ça fatigue beaucoup. Quand tu rentres chez toi après ça, vers 18h, tu es KO et la seule chose que tu as envie de faire, c’est dormir. Je n’avais plus le temps de voir mes amis sauf le week-end. C’était là, le moment où il fallait profiter.
Ils nous obligeaient à faire des heures supplémentaires. Après mes 7 heures de travail, je n’en pouvais plus et je disais stop. Ils insistaient en disant qu’il y avait vraiment trop de choses à faire et je finissais par accepter. Parmi les collègues, il y avait toujours une réclamation, comme quoi ils ne nous payaient pas les heures supplémentaires. Moi, je regardais mes fiches de paie. Je ne comprenais pas tout mais si je voyais que c’était en-dessous de 1500 euros, je les appelais direct pour leur dire qu’il y avait un problème. Ils trouvaient toujours une solution.
Avec l’intérim, je lui donne ce qu’il faut
J’avais besoin de ce travail-là pour subvenir à mes besoins. J’ai commencé à donner 500 euros à mon père, pour lui faciliter la tâche. À chaque fois qu’il me remercie, je lui réponds que c’est normal. Quand je ne travaillais pas, c’est lui qui faisait ce qu’il fallait pour me mettre toujours bien, même s’il n’avait pas assez. Depuis que je travaille, il a pris une box pour internet et la télé. Il a changé sa vieille grosse télé à tube cathodique. Maintenant, ce n’est plus lui qui fait les courses. Quand je rentre du taf, je lui prends ce qu’il faut.
Au travail, c’était une ambiance de fou. Pour moi, c’était facile de m’adapter au sein de cette équipe. Je suis quelqu’un de très sociable et j’aime parler avec les gens. C’était d’autant plus facile de se comprendre qu’on avait presque tous le même âge. On avait une baffle JBL et on écoutait de la musique jusqu’au soir. À la pause, on partait au centre commercial. Il y avait vraiment une ambiance, on rigolait tous ensemble et on s’amusait. Même le week-end, on sortait entre collègues de travail.
Une embrouille et on ne t’appelle plus
J’ai été écarté après une embrouille avec ma cheffe. Un jour où elle n’était pas de bonne humeur, un collègue galérait avec une commande. Il ne s’en sortait pas avec le numéro de série. Comme il était nouveau, j’étais en train de lui montrer comment il devait faire. La cheffe m’a dit d’arrêter de parler, et c’est parti de là. J’ai pété un câble en lui demandant à quoi ça servait de travailler en équipe, si on ne pouvait même pas parler de notre travail. En général, ils renouvelaient mon contrat chaque semaine. Mais là, la semaine d’après je n’étais pas renouvelé. Je me suis dit que c’était en rapport avec l’embrouille. Bien plus tard, Isabelle m’a proposé d’y retourner. Je lui ai dit non. Ils n’avaient qu’à ne pas me tej.
Après ça, il y a eu un moment où je ne travaillais plus. Puis je suis parti à la Poste pendant deux mois. Je faisais les tournées de courrier dans le 15e, comme facteur piéton. Là non plus, je n’ai pas été renouvelé. Cette fois, à cause d’une lettre suivie. Je l’avais bien flashée et je l’avais déposée dans la boîte. Mais la cliente a dit qu’elle ne l’a pas reçue. Pourtant, jusque-là, j’étais le seul intérimaire à ne pas avoir eu de réclamation. Il n’y a pas eu d’embrouille, mais ils ne m’ont pas rappelé. Il y avait aussi une ou deux fois où j’ai été en retard, c’est peut-être pour ça aussi.
J’ai flashé des colis, fait des inventaires, réceptionné des bons de commande et de retour… Je sais aussi bien manipuler des outils que faire l’accueil dans un hôtel. Je suis à l’aise dans le travail en équipe mais aussi autonome. En tout, j’ai fait à peu près un an d’intérim.
Moussa, 20 ans, en recherche de formation Seine-Saint-Denis