Racisme anti-asiatique : marre de me taire
« Tu vois ces gens ? En plus de manger du chien, ils ne servent à rien ! » Voilà ce qu’un jour un monsieur a dit à sa fille en parlant de moi. C’était un dimanche après-midi, j’étais avec ma sœur au métro Fort d’Aubervilliers, on allait à l’école de chinois. Le monsieur en question sortait du métro et nous a arrêtées pour nous demander où était la station de bus, et on ne savait pas.
Je ne sais pas pourquoi il a dit ça, mais c’était désagréable et énervant. J’ai trouvé sa phrase inutile et très déplacée. Sur le moment, j’ai voulu lui répondre : « Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas ça que vous devez nous insulter ! Vous ne nous connaissez même pas ! » Mais comme les Asiatiques ont pour réputation de ne jamais répliquer ou se défendre, avec ma sœur, on est parties sans lui dire quoi que ce soit.
Le pire, c’est sur les réseaux sociaux
Moi-même, je ne sais pas pourquoi on dit ça des Asiatiques mais, depuis que je suis petite, mes parents m’ont toujours dit de ne jamais causer de problèmes et de ne pas répondre aux personnes qui racontent des bêtises pareilles. Si jamais j’avais répondu, je pense que j’aurais probablement dit : « Pourquoi est-ce que vous insultez le pays de mes parents comme ça ? Qui est-ce qui vous a dit qu’on mangeait du chien ?! »
Malheureusement, ce n’était pas la première fois que j’entendais des choses comme ça. Dans la rue ou au collège, je subis ça au quotidien. Mais le pire, c’est sur les réseaux sociaux. Je vois souvent des posts comme : « Regardez ce que font les Chinois aux Ouïghours ! », alors que ce n’est pas la population chinoise qui concentre les Ouïghours, qui les force à boire de l’alcool ou à manger du porc. Ce n’est pas la population chinoise qui revend leurs organes ou qui les force à travailler pour des grandes marques… C’est le gouvernement ! Et je trouve ça déplacé de dire que c’est la faute du peuple, alors que le peuple ne fait qu’obéir.
Toute l’année, on m’a appelé « Ching-chang-chong »
Une autre fois, j’étais en CM2. J’avais dû changer d’école vu que j’avais déménagé en plein milieu de l’année scolaire et que mon ancienne école était à une heure de transports en commun. Je suis arrivée à l’école et mes camarades de classe ont mis une chanson sur leurs téléphones, dans laquelle j’ai entendu : « Ching-chang-chong-ching-chang-chong. » Les élèves m’ont dit « regarde, c’est toi, regarde ! », tout en me montrant le clip. Je me suis mise à pleurer devant eux. La prof est arrivée et m’a dit « c’est rien, ce n’est qu’une chanson » et d’aller dans le couloir prendre l’air. Je n’ai jamais autant détesté une prof depuis la maternelle. Pourquoi est-ce qu’elle ne leur a pas dit d’arrêter ?
Pendant tout le reste de l’année, je me suis fait harceler et appeler « Ching-chang-chong ». Je n’ai pas osé en parler à qui que ce soit par peur des réactions. Maintenant, je suis au collège et j’entends toujours les mêmes moqueries.
Le racisme anti-asiatique est banalisé
Le harcèlement contre les personnes d’origine asiatique est partout : dans les écoles, au travail, dans la rue. Et, depuis le coronavirus, c’est pire. Parce que les gens pensent que c’est à cause d’eux que le virus s’est répandu dans le monde. Ou que tous les Asiatiques sont forcément malades. J’ai vu ça sur Instagram, des vidéos où on voit que, quand un Asiatique rentre dans le métro, les gens se couvrent avec leur écharpe. Comme s’il avait automatiquement le virus. L’année dernière, j’ai vu sur Twitter un tweet qui disait aux habitants du 93, 94 et 95 d’attaquer toutes les personnes asiatiques dans la rue. Le tweet a été signalé, mais il y a quand même un homme qui s’est fait attaquer quelques jours après. Je l’ai vu dans sa story : il a saigné du crâne et a dit qu’il s’était fait attaquer par une bande.
« Tu viens d’où ? », « Tes parents sont-ils en France ? » Métissée, Cathy est sans cesse ramenée à ses origines asiatiques à travers des remarques racistes.
J’ai l’impression que le racisme anti-asiatique est un racisme banalisé. C’est comme moins grave et normal de discriminer les Asiatiques. Alors que, quand on parle du racisme contre les personnes noires ou arabes, ça parait plus important. Moi, je voudrais que les choses changent, qu’on tolère moins cette forme de racisme. Pour pouvoir vivre en paix sans avoir honte de mes origines.
Pascaline, 14 ans, collégienne, Bobigny
Crédit photo : Unsplash // Larm Rmah
Le racisme anti-asiatique
C’est un racisme banalisé
À l’époque où les luttes anti-racistes ont émergé, la communauté asiatique n’était pas représentée. Longtemps, ce racisme n’était pas reconnu comme tel. Les stéréotypes renvoyaient l’image de l’immigré·e « modèle », et qui ne peut donc pas être victime de racisme.
Il a augmenté avec le crise du Covid-19
Accusée de propager le virus, la communauté asiatique est victime d’un nouveau stigmate partout dans le monde. L’association des jeunes Chinois de France a reçu trois fois plus de plaintes pour agression en 2020, malgré les confinements. Comme lors de chaque crise, on a cherché un bouc-émissaire.
Il s’appuie sur le mythe du « péril jaune »
C’est un mythe colonial du 19e siècle. Il induit l’idée que les Chinois·es et les Japonais·es vont envahir économiquement (puis totalement) l’Occident. Beaucoup de préjugés racistes découlent de ce mythe qui a infusé l’imaginaire collectif.
