Immigrer a bousculé ma scolarité
2018. J’ai 12 ans, et ma vie bascule totalement. Je suis en France, je viens de quitter mon pays, la Géorgie. Très vite, sans m’en rendre compte. La décision a été prise en un mois. Avec ma mère, ma grand-mère, ma petite sœur et mon petit frère, direction la France.
Arrivée en France, j’entends des gens parler et je ne comprends absolument rien : panique à bord. Ma mère est traductrice et commence à parler en anglais. Elle parle trois langues, mais pas français. La seule chose que nous pouvons exprimer ici c’est « bonjour » et « merci ». J’ai peur ! Je vais vivre ici, dans ce pays mais je n’arrive pas à les suivre. Je ne connais qu’une langue, et c’est le géorgien.
On est restés environ deux mois dans un hôtel à Saint-Malo, un Formule 1. Nous devions écrire les motifs de notre migration afin que l’administration puisse statuer sur notre sort. Quant à moi, je devais passer des tests pour évaluer mon niveau scolaire. Comme je ne parlais ni français ni anglais, je ne pouvais pas intégrer une classe de quatrième classique. Nous avons finalement obtenu un appartement à Rennes.
Je suis passée de trois à sept matières
Je suis allée dans une classe dédiée aux étrangers : l’UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants). J’y suis restée une année. Année plutôt agréable où j’ai plus vite appris l’anglais que le français, car tous les étrangers parlaient majoritairement l’anglais. L’année suivante, je suis arrivée à Châteaubourg, car nous ne pouvions pas rester plus d’un an dans l’appartement de Rennes.
Quand je suis entrée en troisième, j’ai changé de collège. C’était après le confinement – période extraordinaire où j’ai enfin pu me reposer. Le retour à la réalité a été très difficile. Jusque là, je n’avais suivi que trois matières : français, anglais, et technologie.
Mais, depuis ma réussite au DELF (diplôme d’études en langue française), une certification pour les locuteurs non-natifs du français, je fais toutes les matières. Le plus difficile pour moi, c’était la physique-chimie, la SVT, l’espagnol et l’histoire-géo. Des matières que je n’avais jamais étudiées alors que tout le monde les apprend depuis des années.
Écrasée par le stress
Au début de l’année, je donne tout. Même si je suis stressée, j’ai des bonnes notes. Mais la fatigue augmente en décembre. Je commence à perdre toute ma motivation et je tombe malade. Pendant des semaines, je vomis, j’ai mal partout. Les absences augmentent en même temps que mon stress. Je rate les cours, ce qui fait baisser mes notes. On est au mois de mars et je ne fais plus mes devoirs alors que le brevet approche. Je suis écrasée. Je m’en fous de tout, mais le stress ne me quitte pas. Il est même devenu plus fort qu’avant.
J’ai passé le brevet comme tous les autres, je n’ai pas eu plus de temps ou une version plus facile. Et je suis fière de dire que j’ai eu mention bien au brevet après toutes ces absences et le stress.
À présent, je suis au lycée. Le stress ne me quitte plus même si je comprends beaucoup mieux la langue et que je m’exprime avec plus d’aisance. Je ne regrette pas d’avoir quitté la Géorgie, même si les paysages et les repas géorgiens me manquent. Mais je ne me sens pas encore totalement Française pour autant. Je suis un peu perdue. J’ai oublié ma langue maternelle : ma mère rigole quand je parle géorgien.
Mariam, 16 ans, lycéenne, Rennes