J’aime être la fille qui fait peur
Je n’ai pas une dégaine de personne qui fait peur. J’ai une dégaine de fille qui s’habille chez H&M. Les gens sont surpris de la violence que je peux avoir. Je ne saurais pas dire à quel moment de ma vie j’ai commencé à avoir cette haine des autres. Du plus loin que je me souvienne, elle a toujours été là.
Une fois, un garçon s’amusait à me rabaisser, à dire que le métier de pompier n’était pas fait pour moi. Qu’il fallait que je change d’orientation sous prétexte que je n’étais pas assez « musclée ». Je suis allée le voir, je l’ai énervé pour qu’il tape le premier, c’est ce qu’il a fait. On a enchaîné plusieurs coups jusqu’à se retrouver au sol. Il n’y a pas eu de « gagnant ». On nous a séparés, mais j’avais la victoire de lui avoir prouvé qu’il ne me faisait pas peur.
« T’es pas l’abbé Pierre »
Je me bats surtout pour les autres, rarement pour moi-même, et seulement quand c’est nécessaire. Seulement quand la personne part trop loin dans ses propos ou a des gestes déplacés. Et si ça dure sur le long terme, genre quand il y a du harcèlement, qu’il soit scolaire ou dans la rue. Je me bats pour défendre des personnes qui le méritent, des personnes qui n’ont rien demandé. Pour leur montrer qu’iels ne sont pas seuls, qu’iels peuvent, quoi qu’il arrive, compter sur quelqu’un.
On peut penser que je les aide afin d’avoir leur reconnaissance : c’est l’inverse, je ne veux pas qu’iels me remercient, je veux seulement qu’iels aillent mieux, qu’iels se sentent protégés. On me reproche toujours de vouloir aider tout le monde. Ma mère me disait : « T’es pas l’abbé Pierre. »
Faire peur aux autres, ça me plaît
Quand les gens me voient, leur première phrase c’est : « Au début, tu me faisais peur mais en fait t’es trop gentille. » Sûrement parce que j’ose dire les choses qui ne plaisent pas, peu importe la personne en face de moi. Sûrement parce que mon regard est noir. Enfin, c’est ce qu’on me dit.
Au collège, Joy se revendiquait « garçon manqué ». Arrivée au lycée, elle a pris ses distances avec les stéréotypes de genre.
J’écris ça comme si j’en avais marre. Mais ça me plaît. Ça me plaît de faire peur aux gens, ça me plaît de savoir que personne n’ose me parler, ça me plaît leur réaction quand iels apprennent à me connaître. Les filles ne font jamais peur, c’est ce que les garçons racontent. Je suis là pour prouver que les filles peuvent autant faire peur que les garçons.
Amandine, 19 ans, lycéenne, Versailles
Crédit photo Pexels // CC Soul.photobr
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Dans une société patriarcale, la force est un attribut masculin. La violence aussi. Pourtant, des femmes violentes, en colère, ça existe.
Parfois même, elles finissent en prison, et sont considérées comme des anomalies, comme « folles », parce que, dans l’imaginaire collectif, une femme « normale » n’est pas violente. C’est le sujet de ce podcast.