5/5 J’ai peur pour ma sœur

Ma sœur étudie à Toulouse, à quatre heures de train de ma famille. Un week-end, elle est rentrée à la maison avec les larmes aux yeux. J’étais surpris car d’habitude, ma sœur sourit, rigole et croque la vie à pleines dents. C’est clair que quelque chose n’allait pas. Ma mère lui a demandé ce qu’il s’était passé. Elle a répondu qu’elle se faisait harceler par des filles et des garçons de l’université car elle est voilée.

Ils la traitent de « sale femme soumise », ou même de « femme battue ». Ils pensent qu’une femme qui porte le voile est forcément victime de violences… Ma mère lui a conseillé de ne pas s’en faire, de se concentrer sur ses études et son diplôme, et surtout de ne pas répondre. Elle a réussi à la calmer, en lui rappelant d’où nous venons et les épreuves par lesquelles nous sommes passés. Elle lui a dit : « Tu es venue… On est venus en France pour que vous étudiez, pour que vous ayez des diplômes. Si on te harcèle, ne fais rien. »

Je m’inquiète pour elle

Sur le coup, j’étais tellement triste et énervé que je lui ai dit : « Enlève ton voile ! » C’est ma petite sœur, je l’aime. Je ne veux pas qu’il lui arrive quelque chose. Mes autres grandes sœurs, c’est différent. Elles ont des grandes gueules et savent se défendre. Mais elle, elle est jeune, timide, elle ne sort jamais de la maison car elle n’aime pas ça…

J’ai peur qu’elle tombe sur des racistes mal intentionnés qui lui feront du mal. Je suis fier que ma petite sœur assume son identité, sa religion et son voile avec dignité, mais j’ai vraiment peur pour elle.

J’aimerais qu’elle puisse vivre sa religion librement, avec respect et dignité. Mais je me sens impuissant car je ne suis pas à ses côtés au jour le jour. En fait, je voudrais que ma sœur soit intégrée et je sais qu’avec le voile les gens auront toujours un mauvais jugement sur elle. Je me dis qu’ici, on doit s’adapter à la France. Ce n’est pas à la France de s’adapter à nous.

Touché en plein cœur

Le souci en France ou dans n’importe quel pays d’Occident, c’est le manque de compréhension de la religion musulmane : les gens ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas… Pour moi, avant de juger une religion ou une culture, il faut apprendre à la connaître. Ma petite sœur a été stigmatisée en raison de sa culture et sa religion là où la démocratie garantit à chaque personne la liberté de croire. En tant que grand frère, ça m’a touché au plus profond de mon cœur.

SÉRIE 1/5 – Alia veut porter le voile depuis toujours. Mais la peur d’être exclue l’empêche de franchir le pas.

Maintenant, quand je vois une femme voilée se faire insulter ou dénigrer, j’interviens, à mon niveau. Une fois, dans le bus pour aller travailler, une femme voilée est montée et un homme a commencé à lui faire des reproches assez misogynes, sexistes et discriminants vis-à-vis de sa religion.

« Ici, on est en France, pas à Bagdad, le voile c’est réduire ta liberté pour une religion sans aucun intérêt ! » Je lui ai dit que ce n’était pas bien de dire ça. Il a insisté. Comme c’était une personne âgée, j’ai préféré en rester là. Il faut se battre pour que les mentalités changent, et qu’on arrête de stigmatiser le port du voile ou la religion. Mais ces batailles sont semées d’embûches.

Oun, 25 ans, apprenti, Marseille

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

Peut-on porter le voile en entreprise ? 

Les agentes du service public ne peuvent pas porter de foulard sur leur lieu de travail au nom de la neutralité. Mais, dans le privé, c’est plus compliqué. Une entreprise ne peut pas interdire le port du voile, sauf si le patron a fait rajouter une clause spécifique dans son règlement intérieur (pour des questions d’hygiène ou de sécurité, par exemple).

Sur YouTube, Safaa et toi donne des conseils à celles qui portent le hijab et qui cherchent du travail.

Et à l’école ? 

De l’école au lycée public, les élèves n’ont pas le droit de porter le foulard, ni un autre signe religieux, depuis 2004. Dans le privé, ça dépend du règlement de chaque établissement. Dans l’enseignement supérieur, les étudiant·es sont considéré·es comme des adultes et sont donc libres de leurs tenues, n’en déplaise à quelques politiques et enseignant·es.

Comment se défendre ? 

Refuser d’embaucher quelqu’un à cause de sa religion ou de son foulard, c’est illégal mais ça ne veut pas dire que les patrons ne le font pas. Si tu estimes être victime de discrimination au travail comme ailleurs, les juristes de la plateforme antidiscriminations.fr proposent une aide gratuite pour te défendre et être accompagné·e par le Défenseur des droits.