Chagrin d’école, chagrin qui colle
À tous les angoissés des mathématiques, les imperméables à l’apprentissage des règles de grammaire, aux souffrances indéchiffrables d’une école primaire et d’un collège inaptes à répondre à une demande d’apprentissage à son rythme, j’ai échoué mon primaire et mon collège. Et après ?… J’ai réussi mes études supérieures. Avec mention.
Mon histoire commence dans les couloirs d’un collège. Je suis incapable de vous décrire la couleur de ses murs, et je crois que pour moi il n’y a jamais eu de couleur sur ses murs tellement dans mon cœur, à cette époque, c’était le chaos. Je ne vais pas vous décrire la souffrance de ce qu’on appelle aujourd’hui communément les présents-absents, je vais seulement apporter mon témoignage, de manière maladroite possiblement, sur ma propre histoire, celle d’un enfant noyé dans un collège beaucoup trop grand pour lui.
D’une peur à l’autre
Le seul fait d’écrire sur cette époque me donne déjà la chair de poule. Je repense à la peur de la violence à la récréation, au stress de me faire interroger, l’humiliation d’avoir la réponse et de me faire chahuter par la classe ou encore l’humiliation de ne pas l’avoir et de passer pour un cancre devant le professeur. Je me rappelle de mes longues courses en sortant du collège pour rentrer au plus vite, bien au chaud dans le calme et la protection de la maison familiale, c’est peut-être ces parcours, seul, sous la pluie, la neige ou les chaleurs du printemps, qui ont fini par me rendre endurant…
Des maux et des mots d’absence
Oui, j’aurais aimé que l’univers du collège puisse être le mien. Oui, j’aurais espéré ne pas avoir à mettre une vingtaine de mots d’absence chaque année pour «maux de ventre», des mots qui me valaient à chaque fois un regard inquisiteur du CPE me traitant de menteur et me donnant alors l’envie de retourner chez moi au plus vite. Oui, j’aimerais pouvoir en parler, un jour, peut-être, sans trembler, de manière apaisée et sans sentiment de culpabilité.
Mon cas tranché
J’ai vécu ces années dans une profonde solitude, transparence et indifférence du monde scolaire. Si j’étais mauvais, c’était de ma faute et de toute façon la question ne se posait même pas tant j’étais nul ! Point final… nul, trop lent, trop timide, trop effacé, ces « lacunes » inacceptables ont été pendant quatre ans les seuls retours des profs sur moi-même. Le diagnostic fut simple : direction le CAP ! Il n’y avait même pas à discuter. Mon cas était tranché, sans chercher à savoir si j’avais les compétences et l’envie de faire un métier manuel…
Le temps d’écouter les silences
Il a fallu alors que ma mère se batte pour me faire entrer dans la filière technologique.
J’ai vécu ces années dans une profonde solitude, transparence et indifférence du monde scolaire. Si j’étais mauvais, c’était de ma faute et de toute façon la question ne se posait même pas tant j’étais nul !
Résultat : je me suis retrouvé dans un univers enfin apaisé, un petit lycée à «dimension humaine». C’est là que je me souviens notamment d’un professeur d’économie qui a su prendre le temps d’écouter mes silences, qui a su valoriser mon travail, me donner l’envie de faire mieux et confiance en mes propres savoirs. Ce fut le début d’une relation apaisée avec l’école, le début de mon apprentissage. Un regard, une parole positive, un sentiment de confiance partagée, simplement cela, les maux de ventre ont disparu d’eux-mêmes. J’étais toujours le même et pourtant j’avais la sensation qu’un poids indescriptible s’était enfin envolé. Le plus difficile à rattraper ne fut pas mon niveau en maths, en anglais ou en français mais mon estime de moi.
Jean-Baptiste, étudiant, 27 ans, Ile-de-France
Titre emprunté à l’écrivain Daniel Pennac qui a raconté son « Chagrin d’école » (edition Gallimard)
Crédit photo CC Olibac // Flickr