Djawed L. 23/03/2019

3/4 Le week-end, le terrain rouge est noir de monde

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Depuis ses 7 ans, Djawed joue au foot dans sa cité. Il préfère la liberté des règles de la rue, loin des clubs et des recruteurs.

Pratiquement tous les week-ends, le terrain rouge de la cité des Étangs à Aulnay est noir de monde. Avec tous les mecs du quartier, on se retrouve vers 14h30 pour se confronter au foot, entre nous. On fait les équipes à l’ancienne, par « chou-fleur » : deux personnes avancent face à face, un pied l’un devant l’autre et le premier qui marche sur le pied de l’autre a le droit de choisir les joueurs qu’il veut dans son équipe. Moi, je suis toujours choisi parmi les premiers. Quand les équipes sont faites, chacune prend son camp et là, le match se déroule comme dans un vrai match de cité.

Le football dans la cité, c’est très particulier. Moi, j’ai débarqué aux Étangs à 7 ans et j’ai directement commencé à jouer. Quand t’es petit, tu vas sur l’autre terrain, celui sur lequel les Grands ne jouent pas. Entre nous, on faisait quelques matchs ou quelques « qualifs ». Ça veut dire qu’on était tous les uns contre les autres, avec un seul goal dans les cages et c’était chacun pour sa peau : le premier qui marquait se qualifiait pour le deuxième tour et le dernier était éliminé. Ça, c’était juste pour progresser en individuel. C’était surtout pour savoir défendre et attaquer. En gros, être polyvalent.

L’effervescence sur le terrain

Après, quand t’as 13 ans, tu commences à avoir un bon gabarit et un bon mental, tu peux passer sur le terrain des Grands. La première fois que j’ai joué avec eux, j’étais surpris parce qu’il y avait un bon niveau mais, en quelques matchs, j’ai trouvé ma place. Les meufs, elles, restent en bas du terrain. Pendant les matchs, c’est bien, il y a de la joie de vivre. Moi, je prends beaucoup de plaisir à montrer aux Grands ce que je sais faire. Des fois, c’est éblouissant ! Il n’y a pas de hors-jeu donc c’est plus facile de marquer, et c’est plus street.

SÉRIE 4/4 – Pour avoir le droit de jouer au foot, Kadiatou a dû balayer les clichés : convaincre sa mère et prouver aux mecs de sa ville qu’elle avait sa place sur le terrain.

Trois filles sont assises sur un banc, sur un terrain de football. Sur la droite du banc, deux d'entre elles papotent de manière assez proche. Celle tout à droite est blonde. Elle porte une paire de baskets violettes, un jean, un haut léopard et des boucles d'oreilles créoles dorées. Elle a du vernis rose fluo. Son amie juste à côté est noire. Elle porte des baskets blanches et rouges, un jean bleu troué au genou, un haut rose et du vernis orange. Elle a un rouge à lèvres rose fluo. La troisième jeune fille est un peu à part, sur le côté gauche du banc. Elle se tient les mains et les regarde avec mépris. C'est une jeune femme maghrébine qui porte des crampons bleu fluo, des chaussettes beiges, un jogging et un sweat-shirt vert. Entre ses pieds se trouve un ballon de football.

C’est vraiment des règles de cité, c’est les mêmes dans toutes. Par exemple, les touches, tu peux les faire au pied. Dans le foot en club, tu ne peux pas. Il y a des fautes qui existent en club, qu’il n’y a pas à la cité. En club, tu ne peux pas faire de croche-patte, sinon l’arbitre va siffler. Alors qu’à la cité, il n’y a pas d’arbitre donc pas de faute sur croche-patte. Du coup, tout le public gueule et ça devient la folie. Surtout quand il y a beaucoup de gens, une trentaine de personnes pendant les plus grands matchs !

Moi, je ne joue au foot qu’à la cité. Je n’ai jamais pensé à m’inscrire en club. Je n’aimerais pas parce que, le quartier, c’est là où il y a les plus grands talents. Le talent, c’est dans les pieds. Ce n’est pas explicable. Il y a le travail aussi qui compte : nous, on joue énormément, genre cinq fois par semaine. Quand je vais voir mes copains qui jouent dans des clubs, je les vois se faire pister. Ici, on ne voit pas les recruteurs.

Djawed, 16 ans, lycéen, Aulnay-sous-Bois

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_)

 

 

Boycott du « Mondial de la honte »

De nombreuses et nombreux supporters et fans de foot envisagent de ne pas suivre cette Coupe du monde 2022.

– Paris, Rennes, Marseille et une vingtaine de villes ont décidé de ne pas retransmettre les matchs sur écran géant.

– les footballeurs du Danemark joueront avec des maillots noirs aux logos atténués pour ne pas « être visibles pendant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes ».

– ceux de l’équipe de France ont promis, à la veille de leur départ au Qatar, de « soutenir des ONG qui œuvrent pour la protection des droits humains. »

Rarement une édition du Mondial n’aura été aussi critiquée, secouée par de graves scandales politiques, humanitaires et écologiques.

 

Boycotter, pour quoi faire ?

 

Le boycott d’évènements sportifs n’est pas nouveau. Mais est-ce que ça sert à quelque chose ? Si c’est un mode d’action symbolique récurrent, il n’est pas le seul.

Participer à la Coupe du monde (ou la regarder) ne signifie pas pour autant cautionner. On peut aussi faire passer un message une fois sur le terrain. En 2016, le joueur de football américain Colin Kaepernick a refusé de se lever pour l’hymne : un geste symbolique pour dénoncer les violences policières à l’encontre de la communauté noire.

L’ONG Amnesty International a d’ailleurs demandé aux Bleus de se servir de leur célébrité pendant ce Mondial pour prendre la parole publiquement. Et de ramener une troisième étoile pour continuer à nous faire rêver.

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