Mukhtar Mohamed S. 01/06/2021

1/4 Mon pays en guerre, mon départ en solitaire

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Grandir dans un pays en guerre et se faire enrôler n'était pas une option. Alors Mukhtar Mohamed a quitté la Somalie, sans prévenir personne.

Je ne voulais pas de cette vie-là. Une vie où un matin tu es en vie, et le lendemain, tu peux la perdre. J’avais 14 ans et je ne voulais pas d’une existence sans espoir en Somalie.

Quand tu as 15 ans, les terroristes viennent te chercher, c’est l’âge de la majorité. Si tu dis non, tu meurs. Tous les jours, il y a des morts. J’avais aussi le choix de rentrer dans l’armée, mais je ne voulais pas faire la guerre. Le sang, le meurtre, la violence, je déteste.

Alors un an avant mes 15 ans j’ai décidé de partir. Pour être libre.

Je suis parti sans prévenir personne

Avant de prendre la route, je restais dans la maison ou dans le quartier. Avec la famille, avec les amis. Grandir dans un pays en guerre, c’est bizarre… Tous les enfants, qu’ils vivent dans la guerre ou pas c’est pareil, mais à partir de 8-10 ans, l’émotion change. Un jour, mon père est parti et il est mort. J’ai compris que c’était la guerre. Il était un homme « normal », pas un militaire, mais un soir, il n’est pas revenu.

Je suis parti sans prévenir personne. Pas même ma mère. Ça l’aurait inquiétée. Elle aurait pleuré. Ça risquait de changer mon choix. Tu es dans la guerre, tu regardes ta maman et tu n’as plus envie de partir.

De nombreux pays en guerre continuent de recruter des enfants soldats. Au moins 300 000 enfants sont actuellement enrôlé·e·s dans des conflits, comme combattants ou esclaves sexuelles. Avec des conséquences lourdes sur l’avenir et la santé mentale de ces jeunes.

Les gens ne sont pas tous les mêmes : il y a ceux qui disent « je pars », d’autres « je reste avec la famille », d’autres « je reste pour faire quelque chose ». Moi, j’avais besoin de liberté, d’un pays où il n’y a pas de guerre, d’un pays pour avancer. J’étais triste de partir. Je ne savais pas où j’allais. Mais quand je regardais derrière je voyais la guerre… Devant, je me disais « tu vas survivre, tu vas vers ton choix ».

Là-bas, je serais en prison

J’habitais dans la capitale, j’attendais ma chance. Je cherchais le transport, pour passer dans un autre pays. J’allais voir l’endroit où il y a tous les camions et je demandais aux conducteurs s’ils pouvaient m’emmener. Je leur disais : « J’ai besoin d’aller jusque-là. À destination, j’aiderai à décharger les cartons, je donnerai un coup de main pour la mécanique… »

Au moment de partir, j’étais tranquille.

Aujourd’hui, je ne regarde pas ce qui se passe dans mon pays. Je ne regarde pas en arrière. Je me dis que je vais survivre.

Mon avenir là-bas, c’était la prison. C’était souffrir. Maintenant, je rêve de cuisine ou d’aéronautique. Je vis.

Mukhtar Mohamed, Bayonne

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

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