4/4 Je veux danser sans normes, ni préjugés
Quand on devait essayer des costumes, ma prof prenait la même taille pour tout le monde. Comme je ne rentrais pas dedans, elle me disait que ce n’était pas le costume le problème, mais moi. On m’a aussi recalée à des auditions parce que, pour rentrer dans la troupe, je n’étais pas « comme les autres ». Ne pas être dans les standards de la danse classique, ça m’a stoppée. Je suis ni grande ni fine. Je ne peux donc pas devenir danseuse étoile. La plupart des profs de danse que j’ai eu, les jurys des auditions, des concours me l’ont bien fait comprendre, avec des sous-entendus.
Aujourd’hui, je fais du contemporain, du classique et du modern jazz. C’est très important, dans ces styles, d’être souple. J’ai eu une prof très exigeante qui enseignait la méthode russe : elle était très stricte. Avec cette prof de danse, on devait travailler notre grand écart tous les jours. Si on ne l’avait plus, elle tirait sur nos jambes et notre dos. C’était, selon moi, la pire méthode. Elle me faisait beaucoup de remarques sur mon corps et voulait même que je fasse un régime. J’ai plein de copines que ça a dégoûtées et qui ont carrément arrêté la danse. Moi, j’ai réussi à tenir.
C’est la danse qui m’a toujours permis de me sentir bien. Depuis toute petite, je suis complexée par mon corps. À l’école et dans ma famille, on me faisait des remarques du genre : « T’es grosse » ; « T’es sûre que t’en veux encore ? T’as déjà assez mangé. » Quand je danse, le regard des gens, je m’en fiche, je fais juste ce que j’ai envie le temps d’une chorégraphie. Dans la danse, je me sens épanouie.
Avec la danse, j’envoie valser les préjugés
Être danseuse, c’est avoir plein de préjugés sur le dos, comme : « La danse, c’est pour les petites filles » ; « Comme tu fais de la danse, t’es une fragile. » La plupart des gens qui le disent ne s’intéressent même pas à la danse et n’y connaissent rien. Il faut beaucoup de muscles pour les figures, de souplesse et de légèreté.
On est aussi beaucoup sexualisé. J’ai déjà dit à quelqu’un que je faisais de la danse, on m’a répondu : « Ça veut dire tu twerkes. » Et pire encore, des allusions à d’autres activités, ça arrive de plus en plus. Sur le moment, je n’ai rien dit mais j’étais saoulée. Depuis ça, je préfère mettre des joggings et des vêtements larges pour qu’on ne me regarde pas pour mon corps, mais pour mes performances.
SÉRIE 1/4 – Pour exceller en judo, Killian compte les grammes et saute les repas. Ses camarades aussi, mais personne n’en parle.
Je ne dénigre pas le twerk. C’est une danse comme une autre, mais juste ça devient lourd d’être assimilée à ça. Surtout que, pour les gens, c’est une danse « sexy ». Un danseur n’aurait jamais reçu ce genre de remarques. Ce n’est pas pour autant qu’ils n’en reçoivent pas, bien au contraire. On a tous entendu dire qu’un garçon qui fait de la danse est forcément gay. C’est bien connu les stéréotypes sur la danse !
Que tu sois une fille, un garçon, ou n’importe quel autre genre, que tu sois grand, petit, mince ou plus gros, avec une maladie ou une imperfection sur ton corps, ça ne change rien à ta façon de danser. J’ai vraiment envie de devenir danseuse et chorégraphe pour partager mon histoire, celle du rejet parce que je ne suis pas mince. Je veux montrer à tout le monde que je peux réussir. Je travaille énormément pour ça. On devrait accepter toutes les personnes qui veulent danser. Moi, quand je danse, je me sens puissante.
Mandy, 15 ans, lycéenne, Gagny
Podium ou santé mentale ?
Un tabou brisé
« Je sais que je ne le montre pas, que je fais comme si la pression ne m’affecte pas, mais putain, des fois c’est dur ! » C’est ce qu’a déclaré la gymnaste Simone Biles sur Instagram, durant les JO de Tokyo de 2021. Elle a annoncé se retirer de certaines épreuves pour prendre soin de sa santé mentale.
Un phénomène répandu
Comme elle, nombreuses et nombreux sont les sportives et sportifs à souffrir de problèmes psychologiques. Selon une étude de la FIFPro (Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels), 38 % des footballeuses et footballeurs professionnel·les sont déjà passé·es par une phase de dépression. C’est beaucoup : en comparaison, seul·es 13,5 % des Français·es ont vécu un état dépressif.
Adolescence, relations et pression
La carrière d’un·e sportif ou sportive de haut niveau commence réellement à l’adolescence. C’est une phase sensible et importante pour le développement de soi, où le risque de dépression est important. Pour autant, la famille, l’école et les relations ne font pas partie de leur quotidien. À long terme, ajouté à la pression des compétitions, cela peut mener à des addictions, des troubles de l’humeur et des comportements dépressifs.