2/3 Le Vélodrome, c’était mon rêve
L’année où le football apparaît dans ma vie, j’ai 7 ans, et je comprends que je vais faire de ce sport ma passion. Seul problème : je suis une fille. Malheureusement, dans la société, une fille qui fait du foot est souvent mal vue ou jugée. Je ne parle pas pour tout le monde, et heureusement. Mais, régulièrement, des préjugés sont présents dans la bouche de certains et, bien souvent, dans celles des garçons.
Je me rappelle de la première fois, à 7 ans donc, où je suis allée voir un match dans un grand stade : OM – Lorient au Vélodrome. C’était magique. J’ai tout de suite su que ce sport était celui que je voulais faire. Ce ballon rond était une évidence pour moi et je ne comptais pas y renoncer. Ce soir-là, je regarde papa, maman et je prends la parole : « C’est génial le foot ! J’aimerais pouvoir jouer en club et devenir une vraie supportrice de l’OM ! » Mon père a des étoiles dans les yeux. Ma mère, elle, veut en discuter avec lui et peser le pour et le contre : est-ce qu’ils vont m’autoriser à avoir ma licence ?
Capitaine d’une équipe de foot
Après une grande réflexion, ils ont accepté et ils étaient fiers que je rejoigne un terrain. Avant cela, je faisais des sports comme la danse et la gym. J’aimais bien ces sports, mais je n’accrochais pas tant que ça. Quand j’ai commencé le foot, les gens me disaient : « Tu sais, le foot c’est pour les garçons. » Ou bien : « T’es une fille, joue plutôt à la Barbie. » Quand j’étais enfant, je préférais jouer aux petites voitures et aux Lego mais, soi-disant, ces jouets étaient destinés aux petits garçons. Par chance, je suis passé au-dessus de leurs stéréotypes. Et ma famille m’a toujours soutenue dans mes projets, ce sont mes fans numéro 1.
J’ai signé à l’âge de 7 ans dans le club de ma ville, près de Marseille, en U8. Je ne jouais pas avec des filles, mais bel et bien des garçons. J’appréhendais leur mentalité à l’idée qu’une fille rejoigne l’équipe. De plus, j’étais « sous-classée » : les filles devaient jouer avec des gars d’un an de moins qu’elles… Mais, à ma grande surprise, ils sont devenus les garçons les plus importants de ma vie. Ils ne m’ont jamais jugée et j’étais très bien respectée, sans aucun souci. J’ai joué avec eux pendant près de cinq ans, les plus belles années de ma vie.
J’ai compris tout de suite qu’ils m’avaient acceptée et que je faisais partie du groupe. Par chance, mon ancien entraîneur m’avait nommée capitaine. Il me disait : « Tiens capi, ne laisse pas les garçons te marcher dessus quand tu joues. Je compte sur toi. » Ça m’a donné une certaine force mentale et physique. Je n’ai jamais eu peur sur la pelouse.
Pourquoi tu joues au foot ?
Mais, en dehors, j’ai commencé à me prendre des remarques ridicules et très lourdes : « T’es pas féminine ! » Puis, à la récré : « Mais t’es la seule fille, pourquoi tu joues au foot ? » Honnêtement, cela me touchait mais je passais outre. Les gens me demandaient souvent pourquoi j’avais un style assez masculin, et pourquoi je ne portais que des maillots de foot. La seule et unique vérité était que j’aimais m’habiller en sportwear. C’était moi, la vraie Olivia. Mais vu que je n’avais pas peur des garçons, alors j’étais « différente ». Quelques fois, on m’a même posé des questions sur mon orientation juste à cause de mon style vestimentaire !
SÉRIE 3/3 – Niyah fait du foot en club. Mal intégrée dans son équipe, elle aimerait en changer. Mais les clubs de foot féminin sont rares près de chez elle.
En quatrième, je n’avais plus l’âge pour continuer à jouer avec des gars, donc j’ai rejoint l’équipe féminine de la ville. C’était génial aussi, mais mes potes me manquaient. J’avais l’habitude de rigoler et, là, tout devenait sérieux. Les filles sont assez studieuses. Il y a souvent des petites embrouilles, mais jamais aucun jugement, vraiment. On a gagné plusieurs titres et j’ai atteint mon rêve : j’ai joué au Vélodrome, ma plus grande fierté aujourd’hui. C’était lors d’un grand tournoi nommé la Champion’s Cup.
Mon arrivée au lycée a tout changé. Le regard des gens aussi. Ils ne prêtent plus attention à rien, et je ne suis pas jugée pour qui je suis réellement. Avec le recul, je comprends que les gens se posent des questions sur le fait que je suis complètement différente des filles habituelles. Est-ce que, pour autant, c’est normal que je me sois pris des remarques ? Peu importe aujourd’hui, ça ne me touche plus. Au contraire. Je suis très fière de qui je suis devenue.
Olivia, 15 ans, lycéenne, Marignane
Crédit photo Unsplash // CC Bananna Wintour
Gagner ou perdre du terrain
Des débuts compliqués
– Le 7 mai 1881, la presse vient assister pour la première fois à un match de foot féminin, à Edimbourg. Les journalistes parlent des tenues des joueuses, le public quitte les tribunes avant la fin du match. Les rencontres suivantes susciteront même des émeutes.
– En 1912, le premier club de foot féminin français (Fémina Sport) est créé par deux profs d’éducation physique. Puis, ça s’enchaîne : en 1919, constitution d’une équipe de France. En 1921, création du championnat de France féminin. Mais pendant la Seconde Guerre mondiale, énorme coup de frein du régime de Vichy : interdiction du foot pour les femmes.
Cinquante ans seulement de reconnaissance
– C’est seulement dans les années 60 que le foot féminin refait son apparition dans des fêtes de village. En 1969, des footballeuses déterminées créent une équipe de France et participent à une coupe d’Europe pirate. Ce coup de force mène à la reconnaissance du football féminin par la FFF (Fédération française de football) en 1970.
– Aujourd’hui, le championnat de France féminin de football est appelé Division 1. C’est l’équivalent de la Ligue 1, sauf que chez les femmes, ce championnat n’est pas professionnel.
Pas professionnelles et mal payées
– Pour les joueuses, ça signifie un statut amateur ou semi-professionnel, des contrats hybrides, et surtout des salaires très bas. En moyenne, 2 494 euros par mois contre 108 422 euros pour les footballeurs professionnels.
– Le salaire de la joueuse de foot la mieux payée au monde, l’attaquante de Chelsea Samantha Kerr, frôle les 480 000 euros par an. Son homologue masculin, Lionel Messi, au PSG, a touché 125 millions d’euros cette saison.