Marc L. 27/02/2025

3/4 Jusqu’à la garde… sans écouter les enfants

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Malgré son opposition à une garde alternée, Marc habite un quart du temps chez son père. Aujourd’hui encore, il vit avec le sentiment de ne pas avoir été entendu.

À la fin de mon CP, mes parents se sont séparés. En 2022, j’ai fait part à une enquêtrice sociale de mon opposition à une garde alternée. C’est ma mère qui s’est quasiment toujours occupée de nous. Je me sens mieux chez elle, dans un environnement chaud et familial, que chez mon père, dans un grand appartement qui me paraît froid et inhospitalier. Pourtant, dans son rapport, l’enquêtrice a écrit qu’une garde alternée était la meilleure option. 

Plus tard, j’ai dû voir une psychologue et une psychiatre trois fois dans la même journée. Je leur ai dit mon envie d’être plus de temps avec ma mère qu’avec mon père. J’avais vraiment demandé aux psychologues d’écrire mon souhait dans leur rapport. Elles ont écrit que j’étais manipulée par ma mère. Que pendant l’entretien avec notre mère, ma sœur et moi avions peur d’elle. Que ma mère était glaciale avec nous et pas en état d’avoir notre garde. Alors qu’avec notre père, gentil et attentionné, nous étions en confiance. 

« Ma dernière chance de parler »

Je me suis senti trahi. C’était la deuxième fois que l’on ne prenait pas en compte ma parole, estimant que j’étais trop petit pour penser par moi-même. J’ai donc demandé à voir la juge, pensant qu’elle accorderait plus de poids à ma parole que les trois dernières personnes, dont le métier était pourtant d’écouter les enfants. 

Le jour du rendez-vous au palais de justice est arrivé. Nous avons attendu pendant près d’une heure avant d’entrer dans le bureau de la juge. À sa droite, une greffière notait tout ce que je disais. Cette atmosphère était très angoissante. J’avais peur de dire quelque chose d’incohérent et d’oublier ce que je voulais dire. La pièce n’était pas très grande mais, pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression de faire quelque chose de très important en présence de personnes très importantes. 

J’étais intimidé et la juge ne m’a pas aidé. Elle m’a dit de dire ce que j’avais à dire, sans me poser de question. J’ai commencé à parler. Je ne me souviens plus vraiment de ce que j’ai dit. Sans doute à peu près la même chose qu’aux derniers adultes auxquels j’avais parlé, mais avec plus d’assurance. J’avais l’impression que c’était ma dernière chance de parler.

« Je me tais »

J’ai demandé à être tous les mercredis et un week-end sur deux chez mon père. Que dit le jugement ? Du mercredi au lundi matin chez mon père. Du lundi soir au mercredi de la semaine suivante chez ma mère. La garde ne s’est pas faite exactement comme je l’avais demandé.

Aujourd’hui encore, j’ai quand même l’impression de ne pas avoir été écouté. Mon père me dit encore que c’est lui qui a accepté cette garde parce qu’on en avait envie avec ma sœur. Ce n’est pas le cas. Quand il dit ça, je fais toujours comme si ça ne m’affecte pas. Et je me tais. Je ne cherche jamais à en parler avec lui. Pendant son temps de garde, je n’ai pas envie de me confronter à lui et de rentrer en conflit.

Marc, 14 ans, collégien, Paris

Illustration © Camila Plate

 

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