4/5 « Le vélo, c’est vraiment physique ! »
« C’est bon, c’est juste du vélo, ça va le faire ! » C’est comme ça que je me suis trouvé embarqué dans ce périple, sans préparation physique : détail important pour la suite de l’histoire.
Durant le mois d’août 2023, était organisé un voyage de deux semaines en vélo. Sans mentir, je n’étais pas trop emballé. Je n’étais même pas censé partir. Et là, tout à coup, un des inscrits se blesse la semaine même du départ. On m’appelle pour me demander si je suis d’accord pour prendre sa place. J’ai dit « oui », sans réfléchir.
Avant cette expérience, je n’avais jamais fait de sport à haute intensité. Je pratiquais simplement du basket et du foot dans le terrain à deux minutes de chez moi, ou à l’école. Je n’étais pas un sportif de haut niveau. Passons donc à l’histoire.
Rattrapé par la réalité
Le jeudi 3 août, le voyage débute. Nous sommes tous réunis à côté de la piscine de Torcy : parents, encadrants et nous bien sûr. La première destination était Château-Thierry, à environ 70 km de Torcy. C’était à peu près la distance que nous avions à parcourir par jour. La première moitié du chemin était jusqu’à Meaux. Cette partie-là m’a tout de suite montré que le parcours ne serait pas facile du tout.
La suite de la journée fut, quand je m’en rappelle, la plus drôle de mon périple. Mais sur le moment, ce fut vraiment la plus douloureuse. On termine une longue pente très raide lorsque l’une des pires sensations pour un cycliste, et même un sportif en général, m’atteint. C’est LA crampe. La pire crampe que j’ai eue.
Pour faire court, mes jambes sont littéralement bloquées et me font affreusement mal. Je ne peux pas continuer à pédaler. Sans mentir, j’ai un peu la haine de ne pas finir les quelques kilomètres qu’il nous reste. Je dois les faire en minibus. Ma fin de journée se compose uniquement d’étirements et de douches froides pour repartir le lendemain de plus belle.
« Mes jambes ont atteint leurs limites »
Les jours suivants, je suis concentré pour prendre ma revanche sur ce premier jour et je ne suis pas déçu, il y a même des moments où je suis devant. Ma confiance s’accumule au fil du voyage, mais la confiance ne fait pas tout.
Mercredi de la semaine suivante, donc six jours après le départ, nous quittons Strasbourg en direction de Francfort et c’est là que ma confiance me fait défaut. Le matin, je ressens une démangeaison à mon genou droit et je boite un peu. J’en informe mes encadrants qui me demandent si ça va le faire pour aujourd’hui. Confiant en moi, je me dis : « Depuis ma crampe, j’ai réussi facilement, donc la suite va se faire facilement, c’est toujours du vélo ! » Erreur fatale.
Je réussis tout de même le trajet jusqu’en Allemagne. Je ressens bien évidemment des douleurs au genou, mais ça va, donc je continue ma route. Ce jour-là, nous avons fait 65-70 km. Content de moi, je me dis : « Une nuit de sommeil et demain je serai guéri. » Quelle erreur ! Le jour suivant annonce la fin de mon voyage : même si je ne le sens pas encore, mes jambes ont atteint leurs limites. Je m’en rends vite compte le lendemain, à Berlin.
Une grande leçon d’humilité
À mon réveil, je comprends immédiatement que je ne pourrai plus pédaler du tout. La douleur que j’avais ressentie à Strasbourg est multipliée par quinze. Je ne peux quasiment plus marcher, la douleur est si forte que je ne peux faire que quelques pas avant de devoir m’arrêter à cause de la douleur. Je fais la visite de Berlin en minibus, et c’est très rageant. C’est à ce moment-là que je me dis : « Le vélo c’est vraiment physique en fait ! »
Malheureusement, c’est trop tard pour le comprendre. Le reste du voyage, je suis là à ne pas pédaler en me disant : « Peut-être que si j’avais fait la préparation physique comme les autres, j’aurais réussi ? » Les mauvaises pensées ne sont étonnamment pas si présentes que ça, grâce au soutien du reste de l’équipe.
SÉRIE 5/5 – Entre les regards, les moqueries et les mises à l’écart à caractère raciste, Souleymane a toujours dû prendre sur lui. Grâce au 77 à vélo, il a enfin trouvé sa « safe place ».
La leçon que j’ai apprise de ce voyage, c’est qu’il aurait fallu écouter mon corps à Strasbourg. Je m’en suis plutôt bien tiré car je n’ai eu qu’une tendinite, mais ça aurait pu être pire. Surtout quand, comme moi, on ne fait du sport dehors que pour le plaisir. En y réfléchissant, cette expérience n’était pas un échec, mais une grande leçon d’humilité. Et une leçon de sport. Ça m’a appris l’importance du travail d’équipe, le dépassement de soi, les limites de mon corps, mais aussi la résilience.
J’ai pu garder le vélo, car c’était la récompense promise à la fin du parcours. Je fais plus de vélo qu’avant, pour aller à l’école par exemple, et plus de sport en général. Bien sûr, je pratique toujours le foot et le basket, mais avec une plus grande intensité, et plus d’envie qu’avant. Comme le disait Pierre de Coubertin : « Le plus important (…) n’est pas de gagner mais de participer, car l’important dans la vie n’est pas le triomphe mais le combat ; l’essentiel, ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu. »
Ismo, 19 ans, étudiant, Noisiel
Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)