Mamadou J. 11/05/2021

2/4 Malade, j’étais détesté par mon quartier

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Diagnostic : tuberculose. L'accès difficile aux soins et la stigmatisation n'ont pas laissé le choix à Mamadou. Pour survivre, il a dû quitter la Guinée-Conakry.

Les médecins m’ont annoncé que j’avais la tuberculose. Mais je le savais déjà. C’est même pour cette raison que j’ai dû quitter la Guinée-Conakry.

Quand je suis tombé malade, j’habitais à Gbessia, un village de Guinée. On m’a envoyé dans un centre de santé et j’ai fait une visite médicale. On m’a donné une ordonnance. Mon père a acheté les médicaments à la pharmacie…

Pendant un mois, j’ai pris tous ces médicaments mais ça n’allait pas du tout, la maladie ne faisait que s’aggraver. On m’a envoyé dans le grand hôpital Donka qui se trouve au centre de la commune de Kaloum. Les docteurs m’ont visité. Ils m’ont dit que j’allais rester à l’hôpital pour faire plusieurs examens. Puis, ils m’ont dit que j’avais la tuberculose. Et bien sûr ils m’ont demandé de l’argent.

J’ai contaminé ma mère et ma sœur

Là-bas, juste pour faire une radio, c’est 130 000 francs guinéens (un tiers du salaire minimum), une visite médicale c’est entre 25 000 et 30 000. Pour aller prendre mes médicaments, je devais aller chaque jour à l’hôpital en taxi-moto pendant une heure. Ça coûtait 5 000 francs guinéens aller-retour et en plus, il y avait souvent des grèves à cause des élections ou alors l’hôpital était fermé. Parfois, on me disait : « Il n’y a plus de Dexambutol, revenez demain. »

Mon père n’avait pas d’argent. Ma mère a demandé des crédits à ses amies pour payer les docteurs, mais il n’y avait jamais assez alors ils m’ont fait sortir de l’hôpital. Ma mère n’a pas eu d’autre choix que de me reprendre la maison. Je vomissais du sang. Je maigrissais beaucoup. Je ne pouvais même plus marcher. Cette maladie, ma mère, ma petite sœur et moi on vivait tous les quatre sous le même toit.

Médecins Sans Frontière (MSF) Belgique estime que 2 400 personnes sont décédées de tuberculose en Guinée-Conakry 2019. Dans la série d’articles « Tuberculose, jusqu’à quand ? » (2018), Le Monde soulignait que seize des trente pays les plus touchés par la maladie étaient en Afrique et donnait la parole à Evelyne Kibuchi, directrice de l’ONG Stop TB au Kenya, pour tenter d’expliquer sa forte présence sur le continent.

Les gens du quartier ont commencé à s’opposer à nous. Ils avaient peur de s’approcher de moi. Ma mère et ma petite sœur sont tombées malades. Je les avais contaminées. J’avais envie de mourir. Tout le monde s’éloignait de nous, même nos amis, c’était grave. Je me sentais tout le temps triste et angoissé. On était détestés dans le quartier.

En Europe, on s’occuperait bien de ma tuberculose

Fin 2018, mon oncle qui habite en Allemagne m’a aidé à partir de mon pays. Ma mère ne voulait pas que je parte parce qu’elle avait peur de la Méditerranée et du désert. Mais mon oncle l’a forcée : il a dit que pour me soigner, il n’y avait pas le choix. Il a ajouté qu’en Europe, on s’occuperait bien de moi. Je suis arrivé en France en 2019 par la voie terrestre. Au début, j’ai été logé dans un hôtel. Mais toute la journée, je restais dehors dans le froid avec d’autres jeunes comme moi. J’étais malade, je crachais du sang mais je le cachais aux autres.

Un jour, un autre jeune qui était hébergé dans le même hôtel que moi m’a dit qu’il allait à l’hôpital pour faire une visite médicale. On y est allés ensemble et j’ai parlé à des médecins. Ils m’ont donné un rendez-vous. Ils m’ont donné des médicaments que j’ai pris pendant deux semaines. Ça n’allait pas mieux, ça a même aggravé mon état.

Personne ne m’a demandé d’argent

J’ai été transféré dans un hôpital pour faire une radio, des prises de sang, et beaucoup d’examens. C’est là qu’ils ont enfin diagnostiqué la maladie que moi je savais déjà. Je suis resté un mois à l’hôpital. J’avais une chambre, un lit… J’avais tout. On s’occupait bien de moi. Et, grâce à l’assistante sociale qui s’est occupée de moi, personne ne m’a jamais demandé d’argent.

Aujourd’hui, je prends encore des médicaments mais je peux à nouveau marcher. Même si je fatigue vite.

Mamadou, 15 ans, en formation, Paris

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

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