Mamady T. 12/01/2022

4/4 J’ai sous-loué un compte Uber Eats

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Pour pouvoir bosser, Mamady a loué le compte Uber Eats d'un pote majeur. En échange d'une commission, il a gagné son propre argent, à 16 ans. Ça l'a rendu fier.

À 16 ans, c’est compliqué d’avoir de l’argent si ce n’est pas par papa et maman. Maman ne travaille pas, donc il ne reste que papa pour essayer de gratter. Après avoir reçu tellement de refus où il nous dit qu’il n’a pas d’argent, on commence par croire que c’est vrai et par ne plus lui demander du tout, par honte. Jusqu’au jour où, à l’école, on entend toutes les aides, allocations familiales et bourses scolaires qu’il perçoit par nous. On se dit qu’il a sûrement d’autres priorités (on pense que ce n’est pas une bonne excuse, mais bon). C’est là qu’on se réveille et qu’on comprend que si on ne va pas le chercher nous-même, personne ne nous l’offrira.

Je n’ai jamais apprécié être prisonnier d’un emploi du temps strict. J’aime la liberté et j’arrive toujours en retard, donc fallait que je trouve la meilleure solution pour ça. Et elle s’appelle Uber Eats : la plateforme de commandes en ligne.

Mais il faut être majeur, donc mon pote qui en avait un m’a proposé de me le louer, en échange d’un pourcentage sur mes bénéfices. Il m’a proposé de prendre 30 %, ce que j’ai bien évidemment accepté. C’était soit ça, soit rien, et ça me plaisait.

La commande de pizzas dans mon sac de cours

Le premier jour, je commence par livrer en vélo. C’était vers les mois d’octobre/novembre donc, après les cours, il fait directement nuit. Je me promène en étant connecté sur l’application en espérant qu’au plus vite une commande sonne sur mon téléphone… et c’est ce qui se passe après quinze minutes. Je vais donc récupérer la commande, je la mets dans mon sac de cours (étant donné que je n’avais pas encore récupéré le sac isotherme) et je la livre à l’adresse, et ainsi de suite.

La soirée avance, il fait de plus en plus froid, mais le fait de pédaler me réchauffe plus que ça me fatigue, donc ça va. Le plus dur, c’est les pizzas car ça ne rentre pas dans mon sac, surtout que c’est une pente trop raide pour que je la monte à vélo. Donc je le pousse.

Il est 21 h 30. J’observe une chute de demande, synonyme de fin de soirée, donc je me déconnecte de l’application et je pédale jusqu’à chez moi dans le froid, étonnement heureux de voir affichée la somme de 37,70 euros.

J’étais impressionné de ce que j’avais produit : presque 40 euros en même pas quatre heures. Plus que les Smicards.

Mon ami me propose même de me prêter son scooter

J’ai vite compris que ce serait ma nouvelle activité dans le train de vie extrascolaire que j’allais adopter. Le lendemain, mon ami me passe directement 40 euros pour m’encourager à continuer et me propose même de me prêter son scooter pour exercer. J’ai bien évidemment accepté. Je n’aurais plus à supporter la fatigue du vélo, je devais juste payer l’essence pour remplacer cette fatigue musculaire.

J’y allais tous les soirs après les cours et, pendant les week-ends et vacances scolaires, de 11 h 30 à 14 h 30 en plus du soir. Je ne voyais plus ça comme un travail mais comme une partie de plaisir. Visiter chaque jour l’une des plus belles capitales du monde en scooter sans faire de réels efforts (à mon sens) et tout en étant correctement rémunéré, que demander de plus ?!

Débrouillard à jamais

Ça m’a permis d’avoir une liberté financière. D’être « tranquille » dans ma tête aussi, car je me promenais souvent, je découvrais de nouveaux endroits et je contribuais à rendre service pour l’intérêt général.

Ça m’a également donné des armes pour la vie future, car j’avais déjà de l’argent de côté et une confiance inébranlable en mes capacités. Je suis aux yeux des autres, et plus particulièrement aux miens, « Trop Fort » (pas que dans la recherche de l’argent bien évidemment, mais dans tout ce qui est possible de faire). Si je devais intituler cet épisode de ma vie comme si on en faisait une saison de ma série, il s’intitulerait : « Le début de la fortune ».

Série 1/4 – Reseller de baskets, Alexandro s’est formé sur internet. Passionné par son activité, il compte bien utiliser cette expérience pour son avenir professionnel.

Capture d'écran de l'illustration « Reseller de sneakers sur StockX et Vinted ». L'illustration est verte, rose et orange. Un garçon est sur son lit, entouré de baskets. Il regarde son ordinateur tout en étant au téléphone. Une vignette montre une chaussure, l'autre une courbe en baisse.

Cet argent, il n’avait pas de but réel, il servait juste à me satisfaire. Ce qui me plaisait, je l’achetais : c’est-à-dire des paires et des survêtements presque toutes les deux semaines, même si ma consommation impulsive ne plaisait pas trop à mes parents. Mais je m’en foutais, c’est mon argent je fais ce que je veux avec. Il est là pour me faire plaisir, sinon il ne me sert à rien.

Bien évidemment, je mettais un peu de côté pour les événements importants de la vie, comme le permis, ou encore la voiture que j’ai achetée trois jours après l’avoir obtenue et un mois après avoir soufflé ma dix-huitième bougies, et seulement sur mes propres fonds. La fierté, elle est là, débrouillard à jamais.

Mamady, 20 ans, en recherche d’emploi, Montreuil

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Le travail des mineur·e·s

Travailler oui, mais sous conditions

Le travail des mineur·e·s est très encadré. Il est possible de travailler à partir de 16 ans (en CDI, CDD ou contrat temporaire) en ayant l’autorisation de son ou sa représentant·e légal·e. En dessous de cet âge, il faut exercer dans des secteurs spécifiques (métiers du spectacle, du cinéma…) et sous des conditions très strictes pour que cela soit légal.

Dans quels secteurs postuler ?

Pour travailler à côté de ses études en étant mineur·e et ne disposant pas de compétence particulière, il est plus facile de postuler dans ces secteurs : baby-sitting, soutien scolaire, garde et/ou la promenade d’animaux, animation ou encore dépannage informatique. Des domaines diversifiés… mais qui restent restreints et rapportent souvent peu. Les employeurs·euses restent cependant souvent réticent·e·s à l’idée d’embaucher en dessous de la majorité.

Internet offre une plus grande liberté

Pour contourner ces « contraintes » légales, des jeunes préfèrent utiliser les réseaux et les applis pour se faire de l’argent facilement. Moins contrôlées, ces plateformes leur offrent une plus grande liberté. Influenceurs·euses, livreurs·euses, reselleurs·euses… Ces métiers leurs permettent de gérer leur argent et leur emploi du temps en fonction de leurs besoins.

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