Avorter avant 18 ans : un droit mais toujours une épreuve
C’est une réforme historique qui a été adoptée définitivement le 4 mars 2024 par les deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles. La France est le premier pays à inscrire la « liberté garantie » à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution du pays, c’est-à-dire la loi des lois. Une décision importante prise près d’un demi-siècle après la promulgation de la loi dite « Veil » – portée par Simone Veil – autorisant l’IVG, le 17 janvier 1975. L’objectif ? Éviter que ce droit puisse être remis en question dans notre pays.
Il faut dire que l’avortement reste, aujourd’hui encore, un sujet à la fois très intime et hautement politique. En 2022, la révocation de l’arrêt Roe vs Wade, garantissant le droit d’interrompre une grossesse aux États-Unis, a rappelé combien ce droit reste fragile. 14 États américains ont interdit depuis l’avortement sur leur territoire, même en cas de viol. En Europe aussi, le droit à l’IVG a été remis en question en 2021, en Pologne, où il est quasiment interdit, sauf pour des femmes victimes d’inceste et de viol. Sur le continent africain, l’accès au libre choix de poursuivre sa grossesse reste souvent réservé aux seuls cas où la grossesse met en danger la santé de la personne enceinte. Au Maroc, avorter peut vous mener en prison. Dans le monde, 22 pays interdisent encore tout bonnement aux femmes d’avorter. Résultat ? Les avortements clandestins, non-sécurisés, tuent encore près de 40 000 femmes chaque année, selon une estimation de l’Organisation mondiale de la santé.
Actuellement, en France, l’avortement est légal jusqu’à 14 semaines de grossesse. Mais il existe encore de nombreux freins à son accès. La crainte que cela puisse se savoir n’est pas des moindres, chez les plus jeunes notamment. Et le jugement négatif de certain·es adultes peut malheureusement s’ajouter à la difficulté à aller chercher de l’aide, voire aux violences déjà subies. Si une personne mineure peut accéder à une IVG sans en informer sa famille, elle doit obligatoirement être accompagnée par une personne de plus de 18 ans.
« Aucune femme ne recourt de gaîté de cœur à l’avortement », assurait Simone Veil, devant l’assemblée très majoritairement masculine des députés français. « Il suffit d’écouter les femmes », ajoutait-elle. Écoutons-les ! Trois d’entre elles, mineures au moment où elles ont choisi d’interrompre une grossesse, partagent cette épreuve. Vanessa, 20 ans, qui, huit ans après les faits, n’a pas oublié le regard accusateur du médecin traitant, la violence du gynécologue et les commentaires acerbes du psychologue. Elle n’avait que 12 ans quand elle a subi un viol puis avorté, chez elle, en prenant des médicaments. Comme 80 % des femmes, Vanessa a opté pour l’IVG médicamenteuse à domicile, plutôt que l’IVG chirurgicale, qui nécessite une courte hospitalisation. Mina, elle, a fait le choix d’être encadrée médicalement. Hospitalisée un jour d’école, l’adolescente de 14 ans a alors pu compter sur la complicité d’une infirmière du service pour couvrir un mensonge fait à sa mère, de crainte d’être « mise à la porte ». De son côté, Kaïna a choisi de se confier à l’une de ses enseignantes, qui l’a accompagnée dans sa démarche.
La rédaction
1/3 IVG : « Le regard du gynécologue plein de dégoût »
Vanessa a été violée à l’âge de 12 ans. Enceinte, elle a choisi d’avorter. Les professionnels de santé qu’elle a croisés dans sa démarche n’ont fait qu’ajouter de la violence à celle déjà subie.
2/3 IVG : « Les infirmières me rassurent »
À 14 ans, Mina pousse la porte d’un planning familial. Elle est enceinte et ne sait pas quoi faire. Il est hors de question pour elle d’informer sa mère.
3/3 IVG : « Ma prof m’a épaulée »
À 17 ans, Kaïna s’estime trop jeune pour avoir un enfant. Enceinte, elle décide d’avorter. Elle revient sur sa prise en charge, en tant que mineure, aujourd’hui, en France.