Imane O. 09/09/2021

3/4 Je ne suis ni une « beurette » ni une « pétasse »

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Imane aime la mode et le maquillage mais refuse d’être cantonnée à cette image superficielle. Parce qu'elle ne veut plus être sexualisée, elle s'est engagée dans le mouvement du #Lundi14Septembre.

En troisième, mon prof de maths m’a insultée de « beurette » car j’avais du gloss à lèvres : « Là c’est cours de maths, ça se passe pas comme ça ! » Il me faisait constamment des réflexions blessantes et inconvenantes sur ma manière de m’habiller et de me maquiller. Il critiquait mes tenues devant toute la classe, donc tous mes camarades regardaient mon corps et rigolaient. J’étais gênée, je me sentais observée. Une fois, il m’a forcée à mettre une blouse sale parce qu’on avait vu un bout de mon dos quand je m’étais baissée. Pour moi, ce n’était pas des blagues, je trouvais ça déplacé.

J’aime beaucoup prendre soin de moi, me maquiller le matin, faire des belles coiffures, faire mes meilleures tenues. Souvent, je porte des crop tops colorés avec un jean et, pour le maquillage, je fais un fox eyes avec un crayon noir et je mets du blush. Le problème, c’est qu’on pense que je le fais pour les autres et surtout pour attirer le regard des hommes, alors que je le fais pour avoir plus confiance en moi, pour me sentir belle. C’est un plaisir de me maquiller tous les matins.

À l’époque, j’étais dans un collège privé, et il y avait un code vestimentaire uniquement pour les filles. On n’avait pas le droit de porter des shorts, des jupes, des décolletés, des débardeurs, des crop tops… Je trouvais ça injuste, car les garçons n’avaient pas d’interdictions. Le collège disait que si on ne se couvrait pas, ça allait déconcentrer les garçons, et que ce n’était pas des tenues adaptées pour étudier. Il y a des vêtements qu’on voulait mettre parce qu’on les trouvait beaux et on ne pouvait pas, c’était frustrant. C’était surtout embêtant quand il commençait à faire chaud. On ne pouvait pas porter des tenues adaptées à la chaleur.

Si ça avait été une autre fille, il aurait trouvé une autre insulte

Ça m’a énormément blessée que le prof utilise le mot « beurette » pour me définir, parce que c’est raciste et sexiste. Je suis d’origine tunisienne, et si ça avait été une autre fille, il aurait sûrement trouvé une autre insulte, mais pas « beurette ». Pour les gens, une beurette, c’est une femme maghrébine, débile, superficielle, trop maquillée, qui ne pense qu’aux garçons, qui traîne à la chicha. Me maquiller et m’habiller de manière séduisante me fait passer pour une fille qui ne pense qu’à son apparence et à celle des autres. Je ne veux pas me vanter, mais je suis intelligente, je ne suis pas superficielle.

En 2019, le terme « beurette » était le mot-clé le plus recherché sur le site pornographique xHamster… Neon est revenu sur la vague de protestation que cela a entraîné sur Twitter ; des protestations contre l’emploi de cette expression raciste, sexiste et qui fétichise les femmes maghrébines.

Je ne veux pas que les gens s’arrêtent uniquement à cette image de « pétasse », ce qu’on me dit assez souvent, et je n’aime pas renvoyer cette image. J’ai d’autres choses à offrir aux gens. Je m’intéresse à l’actualité, je suis sensible aux sujets sur les inégalités, les injustices…

Et même si certaines filles correspondent à ce cliché, on ne devrait pas employer ce mot, parce que c’est leur vie, on n’a pas à les juger. Les hommes n’ont pas à donner leur avis sur leurs vies ou leurs apparences.

Suivie par des hommes qui ont l’âge de mon père

Dans mon nouveau lycée, je me sens libre de m’habiller et de me maquiller comme je veux, mais pas dans mon quartier. Il n’est pas bien fréquenté et je ne veux pas prendre « le risque ». Je prends toujours ma petite veste pour cacher mes fesses et mes seins.

Quand je sors de chez moi, je me fais toujours aborder, insulter, mater, et même parfois suivre par des hommes qui ont souvent l’âge de mon père, voire plus. Leurs regards sur moi me dérangent. Je suis obligée de me cacher, de cacher mes formes et de m’habiller en fonction des hommes. Je n’ai pas envie de changer ma façon de m’habiller, mais je dois le faire pour ma sécurité.

J’aimerais bien sortir dans la rue sans subir de réflexions, et ne pas me sentir observée. Qu’on me laisse faire ce que je veux sans avoir à être jugée, c’est tout ce que je demande !

Grâce à la journée de septembre, je suis optimiste

Tous ces événements liés à mon apparence physique m’ont fait perdre confiance en moi et complexer sur ma manière d’être et de m’habiller. J’ai fini par croire à toutes ces réflexions et, du coup, à vouloir me cacher et changer qui je suis.

Je n’ai pas vraiment eu de déclic mais, en grandissant, je me suis affirmée. J’ai réalisé que ce que je subissais n’était pas normal, et je me suis rendu compte que je n’avais pas envie d’arrêter de faire les choses que j’aime, comme le maquillage, et de vivre par rapport aux autres. Je suis optimiste, grâce à la journée de septembre par exemple : c’était un mouvement contre le sexisme dans les écoles. Toutes les filles, et même quelques garçons, sont venus au lycée en jupe, en crop top, en short…

5/5 – « Nous, les femmes, on ne devrait pas s’empêcher de s’habiller comme on veut, car les hommes ne le font pas », s’offusque Fenty dans le dernier témoignage de notre série. Elle y explique qu’elle reçoit avant tout des remarques de filles, qui ont intériorisées le fait que leur corps serait sexualisé.

On a été très nombreux à participer, grâce aux réseaux sociaux. Ça a bien marché car c’est même passé à la télévision. Grâce à ce mouvement, je me suis sentie comprise et j’ai aussi appris que c’était un problème qu’avait beaucoup de filles. Je ne sais pas vraiment si ça a eu de l’effet dans les établissements mais ça a montré que les filles étaient soudées pour cette cause et refusaient les diktats.

Imane, 15 ans, lycéenne, Les Lilas

Crédit photo Unsplash // CC Chris Benson

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1 réaction

  1. Je suis (à 100%) d’accord avec toi : c’est 1 attitude raciste (et de bas étage !), qui devrait être condamnée (et, en tous-cas qui n’honore pas l’éducation-nationale.

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