Sabrina D. 30/05/2022

À Marseille, je vis dans le sale

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Sabrina vit à Marseille, à deux pas de la mer. Mais pour elle, le quotidien dans son quartier rime avec trafic de drogue, rats et poubelles qui débordent. 

Je vis dans le sale. Dans le 3e arrondissement de Marseille, à Natio. Un quartier défavorisé, abandonné. On dit de lui que c’est le plus pauvre de Marseille, voire de toute la France.

Natio, c’est des poubelles qui débordent à chaque coin de rue, parce que les éboueurs font souvent grève, ou juste car ils ne passent pas. On peut parfois les attendre une semaine. On voit des rats morts tous les demi-pas qu’on fait. Des déchets partout par terre. Des odeurs de poubelles délaissées. Tout ça me dégoûte et me met en colère. Comment vivre dans ces conditions ?! On se croirait au zoo ou dans la jungle.

Vivre dans le sale me donne l’impression d’être sale moi-même. J’ai besoin de me doucher souvent, deux fois par jour. Ça marche en surface mais, au fond de moi, je ne me sens toujours pas propre. J’imagine que c’est psychologique, mais c’est ainsi… Et c’est de pire en pire : je vis dans la même résidence depuis plus de dix ans et, comme le quartier, elle est de plus en plus délaissée. On ne vient plus la nettoyer, il y a des papiers partout par terre.  

La drogue, partout

Natio, c’est aussi la drogue. Il y a un réseau à deux-trois minutes de mon domicile. Tous les jours, matin et soir, c’est la même chose : des policiers, des guetteurs qui crient à longueur de journée à chaque voiture de police qui passe. Je les entends de ma chambre. C’est devenu une habitude.

J’ai trois petits frères de 9, 14 et 15 ans et j’ai peur qu’ils puissent tomber dedans car c’est très facile : les Grands  du quartier peuvent les influencer et les amadouer sans souci. Là où je vis, ça rapporte beaucoup : jusqu’à 1 500 euros par jour. 

C’est pour ça qu’en général, les plus petits rentrent dans le trafic à partir de 13-14 ans, pour avoir cet argent « facile », se débrouiller sans plus rien demander à leurs parents.

Ils commencent par être guetteurs puis, au fur et à mesure, ils deviennent le vendeur ou le chef de vente. J’ai des amis qui ont sombré là-dedans et qui le font toujours aujourd’hui. Certains sont en prison, deux sont morts récemment. Ils avaient 18 ans.

Dans le 19e arrondissement de Paris, Léo vit au milieu des consommateurs et consommatrices de crack. Bien qu’il aime son quartier, cette situation lui pèse.

Capture d'écran de l'image du texte « A paris, je vis au milieu du crack. » Sur la photo en noir et blanc, deux hommes fument du crack, assis sur les marches d'un immeuble.

Le soir, il peut y avoir des règlements de compte, et tu peux te retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. Ça m’est arrivé l’été dernier : une voiture s’est mise devant le réseau, ils sont descendus avec des armes, ils ont tiré, et j’étais pas loin. Quand tu es prise dans un truc comme ça, tu ne sais pas comment réagir. Moi, je suis restée complètement figée.

Avec mes parents, on a pour but de déménager dans le 8e arrondissement de Marseille. C’est le côté des « riches » : très propre, calme, avec la mer juste à côté. On attend que la demande de logement social soit acceptée… Franchement, ça me fait rêver. Le 8e, c’est juste un arrondissement aisé de Marseille, mais nous, on en parle comme si c’était une île paradisiaque.

Sabrina, 18 ans, en formation, Marseille

Crédit photo Hans Lucas // © Laurent Le Crabe

 

LE SAVAIS-TU ?

À Marseille, le taux de pauvreté est de 26 % (12 points au-dessus de la moyenne nationale).

Le nombre de logements indignes est cinq à dix fois plus élevé à Marseille que dans les autres métropoles françaises.

Environ 100 000 personnes vivent dans des taudis à Marseille, selon la fondation Abbé Pierre.

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