VIDÉO - Emploi : j’ai dû lutter contre tous les déterminismes
En terminale, lors du cours de SES qui était consacré au chômage, ma prof, qui à l’époque était à deux ans de la retraite, m’a prise en exemple : « Aujourd’hui, moi, j’ai plus de chances de trouver un emploi que Mme Sissoko. » Le racisme, c’est quelque chose que j’ai réalisé quelques années plus tard, quand je me suis souvenue de cette phrase. Ça faisait plus d’un an que j’étais au chômage après avoir été diplômée, je me suis dit que ce n’était peut-être pas tant une bêtise que ça.
Il y a dix ans, j’obtenais mon bac et j’arrivais à l’Université Paris-Est Créteil. Mes parents sont issus du milieu ouvrier, et le monde des études, ils l’ont un peu connu à travers moi qui suis la première, l’aînée. La première, même, dans toute la famille, à avoir fait des études. Ce qui était bien à Paris-Est Créteil, c’est qu’il y avait un certain brassage social quand même. Des amies à moi portaient le foulard, le hijab, avaient beaucoup de mal à trouver un stage et ne se posaient pas la question de trouver « le bon stage » en plus. C’était juste trouver « un stage ».
Une multitude de barrières à l’entrée du marché du travail
Du coup, très vite, on se rend compte de l’existence des inégalités. Donc on en fait plus. On fait des stages à chaque fois qu’on en a l’occasion, on participe aux séjours d’échange à l’étranger en espérant faire la différence. J’ai vraiment fait mon maximum, j’ai mis toutes les chances de mon côté, au fil de mes études, pour éviter ces barrières-là. Sauf que la présence de ces barrières est bien plus profonde qu’on ne le pense. J’avais un champ des possibilités pas mal réduit en comparaison d’autres collègues qui venaient d’autres milieux. Donc, à mon retour du Canada, je me suis retrouvée au RSA pendant deux ans. J’ai dû envoyer 1 000 candidatures et, pourtant, j’ai eu très peu de retours et encore moins d’entretiens.
On se rend compte que, en fait, c’est une multitude de barrières qu’on rencontre à l’entrée du marché du travail. Clairement, il y a eu des moments où je me suis laissée tenter par des postes qui n’avaient rien à voir avec mes ambitions ni avec mon parcours. Mais, à côté de ça, je me suis dit : « Si je lâche l’affaire maintenant, je lâcherai l’affaire toute ma vie. »
Ghett’up, une association qui s’attaque aux racines du problème
Au cours de ces deux années où je n’ai pas travaillé, j’ai participé à un maximum d’événements de réseautage. J’ai aussi pris contact avec beaucoup d’associations qui venaient en aide aux jeunes qui, comme moi, avaient du mal à trouver du travail après leur diplôme. C’est lors d’un de ces événements-là que j’ai rencontré Inès Seddiki, qui est la fondatrice de l’association Ghett’up. J’ai tout de suite accroché avec l’association parce qu’elle s’attaquait aux racines du problème et non plus qu’aux effets. Aujourd’hui, je suis super ravie de faire ce que je fais.
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C’est ce que je souhaitais faire en fait : avoir un impact et faire en sorte que les plus jeunes ne connaissent pas les difficultés que j’ai connues. Ça prendra du temps, mais on y arrivera. On arrivera à une situation où les inégalités sociales seront inexistantes et où les jeunes prendront conscience de l’atout qu’ils représentent pour cette société, pour eux-mêmes et parviendront à un meilleur épanouissement.
Khadidja, 30 ans, salariée, Aulnay-sous-Bois
Musique : Kiala Ogawa
Réalisation : Elliot Clarke / © ZEP