Mon arrivée en France : un parcours du combattant
Pour le moment, je suis à l’hôtel. Néanmoins, si la juge ne reconnaît pas ma minorité, je ne serai plus pris en charge. C’est un peu stressant d’imaginer que je peux, encore, me retrouver à la rue. Pourtant, je n’ai jamais raté de rendez-vous, je vais à l’école, je suis assidu et ponctuel, je veux mettre toutes les chances de mon côté. J’espère qu’en septembre, j’irai au lycée professionnel pour apprendre un métier et avoir un diplôme.
Quand je suis arrivé en France de Côte d’Ivoire, j’ai passé un mois dans la rue. Une vieille dame africaine m’a hébergé quelques mois, puis j’ai dû partir car elle n’avait plus les moyens de m’accueillir. Alors, je me suis retrouvé dans la rue, pour la deuxième fois.
Quand je me baladais, j’allais souvent devant le lycée Buffon. J’aimais bien voir les élèves car j’avais envie d’aller à l’école. C’est là-bas que j’ai rencontré un monsieur blanc qui travaillait dans ce lycée. Un jour, il m’a demandé ce que je faisais tout le temps devant le lycée. Je lui ai expliqué ma situation. C’est comme ça qu’il a appelé les structures qui s’occupent des mineurs isolés, comme la Croix-Rouge ou l’ASE (aide sociale à l’enfance).
Dans une tente devant la gare
J’ai ensuite eu un entretien avec un monsieur de l’ASE. Il m’a posé plein de questions auxquelles j’ai répondu comme je pouvais, sans qu’il y ait d’interprète qui parle bambara, ma langue maternelle.
Ils m’ont demandé mes papiers, mais je les avais déjà déposés à l’ambassade pour l’obtention de mon passeport. Je n’avais que les photocopies des documents. Malgré ça, ma demande a été refusée. La mairie de Paris n’a pas reconnu que j’étais mineur : apparemment, j’étais trop mature, trop autonome et mon physique ne correspondait pas à celui d’un mineur.
J’étais bouleversé et même déprimé qu’ils pensent ça. Je ne savais plus quoi faire, alors je me suis tourné vers une association. Ils m’ont expliqué qu’ils n’avaient pas de toit pour moi, mais qu’ils pouvaient me donner une tente pour que je dorme dehors, à la gare de Bercy. Nous étions nombreux, je n’étais pas seul. Alors, j’ai accepté.
Je vois le monde à travers des grilles
Quand j’ai enfin pu avoir mon passeport, avec l’aide de mon avocate, j’ai fait une demande de reconnaissance de minorité. Ensuite, j’ai dû attendre six mois, le temps d’expertiser mes documents.
Actuellement, j’ai tout ce qu’il faut. Je bénéficie de tout ce dont un mineur isolé a droit sur le territoire français. J’ai un toit, de quoi manger, je vais à l’école, j’ai des vêtements, et même de l’argent de poche, chaque semaine. Sauf que ce n’est pas encore fini, je ne connais pas la décision finale de la juge, et ça reste dans ma tête.
Je ne trouve pas ça normal de ne pas croire quelqu’un sur son identité. Dans mon cas, ils se sont fiés à ma « maturité », ce que je trouve encore plus injuste. L’âge n’a rien à voir avec la maturité. Le physique aussi, ça n’a rien à voir. L’âge, c’est l’âge.
Je pense qu’il faut aider ceux qui ont besoin d’un toit, de manger, parce que rester dans la rue, ce n’est pas facile. Surtout dormir dehors quand on est isolé et sans nos parents. On se sent très seul, abandonné. C’est très bizarre, comme si on voyait le monde à travers des vitres ou des grilles, comme si on ne pouvait pas y entrer… Comme si on ne vivait pas dans ce monde.
Yacouba, 17 ans, lycéen, Paris
Merci beaucoup pour ce que vous faites pour nous aujourd’hui je suis reconnu mineur par la juge et tout va bien je vais à l’école au lycée professionnel j’apprends un métier dans le domaine de la maroquinerie que j’aime bien et je suis heureux d’avoir ma place ici en France je remercie toutes ses personnes qui m’ont aidés jusqu’aujourd’hui