1/4 Mon pays en guerre, mon départ en solitaire
Je ne voulais pas de cette vie-là. Une vie où un matin tu es en vie, et le lendemain tu peux la perdre. J’avais 14 ans et je ne voulais pas d’une existence sans espoir en Somalie.
Quand tu as 15 ans, les terroristes viennent te chercher, c’est l’âge de la majorité. Si tu dis non, tu meurs. Tous les jours, il y a des morts. J’avais aussi le choix de rentrer dans l’armée, mais je ne voulais pas faire la guerre. Le sang, le meurtre, la violence, je déteste.
Alors, avant mon anniversaire, j’ai décidé de partir. Pour être libre.
Sans prévenir personne
Avant de prendre la route, je restais dans la maison ou dans le quartier. Avec la famille, avec les amis. Grandir dans un pays en guerre, c’est bizarre… Tous les enfants, qu’ils vivent dans la guerre ou pas c’est pareil, mais, à partir de 8-10 ans, l’émotion change. Un jour, mon père est parti et il est mort. J’ai compris que c’était la guerre. Il était un homme « normal », pas un militaire, mais, un soir, il n’est pas revenu.
Je suis parti sans prévenir personne. Pas même ma mère. Ça l’aurait inquiétée. Elle aurait pleuré. Ça risquait de changer mon choix. Tu es dans la guerre, tu regardes ta maman et tu n’as plus envie de partir.
Les gens ne sont pas tous les mêmes : il y a ceux qui disent « je pars », d’autres « je reste avec la famille », d’autres « je reste pour faire quelque chose ». Moi, j’avais besoin de liberté, d’un pays où il n’y a pas de guerre, d’un pays pour avancer. J’étais triste de partir. Je ne savais pas où j’allais. Mais quand je regardais derrière, je voyais la guerre… Devant, je me disais : « Tu vas survivre, tu vas vers ton choix. »
Là-bas, je serais en prison
J’habitais dans la capitale, j’attendais ma chance. Je cherchais le transport pour passer dans un autre pays. J’allais voir l’endroit où il y a tous les camions et je demandais aux conducteurs s’ils pouvaient m’emmener. Je leur disais : « J’ai besoin d’aller jusque-là. À destination, j’aiderai à décharger les cartons, je donnerai un coup de main pour la mécanique… »
SÉRIE 2/4 – Ils ont bravé les dangers du désert, de la Méditerranée, des passeurs et de la police. Cinq jeunes racontent leurs routes vers une vie meilleure.
Au moment de partir, j’étais tranquille.
Aujourd’hui, je ne regarde pas ce qui se passe dans mon pays. Je ne regarde pas en arrière. Je me dis que je vais survivre.
Mon avenir là-bas, c’était la prison. C’était souffrir. Maintenant, je rêve de cuisine ou d’aéronautique. Je vis.
Mukhtar Mohamed, Bayonne
Crédit photo Hans Lucas // © Arnaud Finistre