3/4 24 heures dans ma vie de mineur isolé
Dès que je me réveille, il faut être rapide. Je me lève entre 6 et 7 heures, ça dépend si j’ai un rendez-vous ou pas. J’ai à peine le temps de me brosser les dents que je dois déjà partir. J’habite dans un campement à Porte d’Aubervilliers, et j’ai 40 minutes de marche à faire pour aller jusqu’à Stalingrad et prendre mon petit-déjeuner.
Si jamais j’arrive en retard, il y a moins de choses à manger car beaucoup d’autres personnes viennent se nourrir comme moi. Parfois, il ne reste que du café ou du thé, et il n’y a plus de pain quand j’arrive. Du coup, j’ai faim jusqu’à midi. Après, je dois vite partir parce que j’ai 30 minutes de marche pour rejoindre Belleville. C’est là-bas que je vais me laver, mais le problème, c’est qu’il y a beaucoup de queue. On est entre 50 et 60 personnes pour deux douches. Ça m’arrive de ne pas me laver pendant trois ou quatre jours parce que j’arrive en retard. Et parfois, je dois choisir entre me doucher et manger.
Je passe ma vie à faire la queue
On doit arriver avant 11h30, sinon on ne peut plus y aller. Souvent, je dois bien attendre 30 minutes avant de pouvoir passer sous l’eau. Là encore, je n’ai que cinq minutes pour me laver, parce que d’autres attendent leur tour. Si jamais on met plus de 8 minutes, on vient taper sur la porte pour nous dire que c’est terminé et qu’il faut sortir.
Après ça, direction la station de métro Couronnes, pour aller manger à l’association Les Midi du MIE. Heureusement, c’est qu’à cinq minutes à pied. Là-bas, il y a toujours les mêmes 50 à 60 mineurs qui se sont lavés à Belleville. Je trouve toujours à manger, mais c’est encore la queue. Si on arrive après 14 heures, on nous dit « désolé, c’est fini ».
Ensuite, je me dépêche pour aller à la bibliothèque à Porte de la Villette pour pouvoir brancher mon téléphone sur une prise, parce que parfois, on doit attendre deux heures. Mais c’est bien parce que la sécurité vient vérifier qu’il n’y a qu’un seul téléphone branché par personne. Je pars vers 17 heures pour aller manger à Porte de la Villette. On peut y aller à partir de 18 heures. Je suis fatigué d’attendre, mais il y a encore la queue.
SÉRIE 5/5 – Bakary a toujours fait attention à son style. Malgré le fait qu’il soit mineur isolé ici en France, pas question d’y renoncer.
Après, j’ai 30 minutes de marche pour retourner vers Porte d’Aubervilliers. À 19 heures, on se rejoint à Rosa Parks pour discuter, et vers 20 heures, on va chercher nos tentes à Utopia 56. Si on vient après 22 heures, on ne peut plus avoir de tente. Ensuite, je mets 20 minutes à monter ma tente. Vers 22h30, je peux enfin dormir. Mais demain, ça recommence.
Fofana, 16 ans, Paris
Crédit photo Hans Lucas // © Maxime Reynie – Des réfugiés font la queue pour manger à porte de la Chapelle à Paris.