2/5 Aujourd’hui, je vis bien
J’ai dormi dans la rue, dans le froid, comme un clochard ; une vie de SDF. C’était un cauchemar qui heureusement est bien fini. Ça s’est passé quand je suis arrivé en France à 5 ans avec ma mère pour échapper à la guerre en Arménie.
On est arrivés en bus, cinq jours de voyage. 3 500 kilomètres en passant par la Turquie, la République tchèque, la Bulgarie, plein de pays. On est descendus du bus à Paris. On a marché dans la rue. On ne savait pas où aller. Avec ma mère on n’avait rien à manger. Rien pour s’habiller.
Au début, on appelait le 115. On patientait pendant des heures. Il faisait entre moins 5 et moins 10 degrés, c’était l’hiver. On dormait dans les métros, dans les bus, dans les RER. On nous disait : « Il faut sortir. » Ça a duré trois semaines mais je m’en souviens encore, même si j’étais petit.
Une chambre à soi
Après, on est allés dans des hôtels. On a changé beaucoup de fois. Il y avait des souris, des cafards. Je me souviens que, quand les voisins se douchaient, il y avait de l’eau qui coulait du plafond dans nos casseroles.
Je me souviens de cet hôtel horrible. Ma mère restait éveillée pour surveiller qu’un cafard ne rentre pas dans ma bouche ou mes oreilles. Il y avait aussi une voisine folle qui nous menaçait avec un couteau et pissait devant notre porte.
SÉRIE 3/5 – Nombre d’élèves du lycée Rabelais nous ont parlé de leur territoire : leur quartier, celui dans lequel elles et ils ont grandi, celui auquel elles et ils sont férocement attaché·es. Rayan raconte comment il a grandi dans un quartier divisé entre jeunes des bâtiments et jeunes des pavillons, deux mondes totalement opposés.
Et puis ça a été mieux. Ma mère a eu un travail. Elle promenait les chiens des gens, elle faisait le ménage. Au début, ce n’était pas déclaré. Maintenant, elle travaille à Monoprix. On a trouvé un vrai logement, un 57 m². On a chacun notre chambre. J’ai appris le français. Je vis bien.
Petit à petit, on devient plus solide, on se remet sur les pieds. Comme je suis un garçon, j’ai quand même peur qu’on me renvoie dans mon pays à 18 ans pour que je fasse la guerre. Mon but, c’est de devenir une bonne personne. Je veux devenir médecin kinésithérapeute pour soutenir ma mère.
Gor, 16 ans, lycéen, Paris
Crédit photo Pexels // CC Brett Sayles