Le lycée Rabelais, hors les murs
« Allô la ZEP, ici Libé, on a une idée à vous proposer ! » Cette aventure a commencé à peu près comme ça. Depuis près de dix ans, Libération publie une fois par mois une double-page de témoignages des jeunes que nous accompagnons en atelier. Jusque-là, nous étions à l’initiative. Les coups de fil se passaient dans l’autre sens. « Allô Libé, ici la ZEP, on a une double à vous proposer. » Ensemble, on a essayé de raconter le sport du bas de l’immeuble, les stratégies écolos, la police de (trop grande) proximité ou le 115 à 15 ans.
Cette fois-ci, on s’est retrouvé·es autour de la grande table du sous-sol, celle des conférences de rédaction, pour parler des 50 ans du quotidien. Paul Quinio, le directeur de la rédaction, avait une idée : « Libé a 50 ans et le lycée Rabelais, Porte de Clignancourt à Paris, aussi… » Il nous donnait l’opportunité d’une aventure commune, d’une année partagée. Pour ses 50 ans, Libé souhaitait s’offrir une cure de jouvence en ouvrant ses colonnes aux récits des adolescent·es et des jeunes adultes scolarisé·es à Rabelais. Une jeunesse loin d’être privilégiée.
Les journalistes de la ZEP ont donc passé plusieurs mois dans cet établissement enchâssé entre le boulevard extérieur et le boulevard périphérique. Un lycée à la frontière du périph’, mais avec une adresse parisienne. Un lycée malmené mais avec une équipe pédagogique au taquet. C’est donc stimulé·es par l’enthousiasme de la direction, incarnée par Patricia Jourdy et Mélanie Puel que nous avons cheminé au cours de l’année en compagnie des quatre classes de seconde, des quatre classes de première et d’une section BTS de la « promo » 2022-2023. Et la rencontre a eu lieu.
Investi·es, concerné·es, les lycéen·nes ont livré des textes et des témoignages qui éclairent sur leurs réalités, souvent âpres, et notre époque assez confuse. Nous sommes très fier·es à la ZEP de la confiance qu’elles et ils nous ont donnée en acceptant que nous les assistions dans l’élaboration de leurs récits. Nous nous réjouissons aussi que le lycée, menacé de fermeture au début de l’année, ait été « sauvé » par l’ancien ministre de l’Éducation nationale qui lui a octroyé un sursis de cinq ans.
Le 15 septembre prochain, notre recueil Rabelais, hors les murs sera disponible et consultable sur notre site. Vous pourrez également retrouver en kiosque une sélection de récits issus de cette aventure, dans un supplément inédit du journal Libération.
La ZEP vous propose d’en découvrir cette semaine cinq, en avant-première : ceux de Safi, Gor, Rayan, Rosa et Christophe.
La rédaction
Crédit photo © James Albon / Libération
1/5 Je choisis mon métier sans l’essayer
À Rabelais comme ailleurs, le chemin est long et stressant jusqu'au bac, épreuve ultime avant d'affronter l’ogre de Parcoursup pour tenter de s’assurer un avenir. Safi a le sentiment de devoir prendre des décisions pour son futur à l’aveugle, comme si elle achetait un habit sans l’essayer.
2/5 Aujourd’hui, je vis bien
Ce qui nous a frappés en rencontrant les jeunes du lycée Rabelais, c’est à quel point nombre d’entre eux s’inquiètent pour l’avenir. Et pour cause : la grande majorité s’inquiète déjà pour la fin du mois. Gor et sa mère ont connu la rue et les hôtels sociaux quand ils sont arrivés d’Arménie.
3/5 Les jeunes des pavillons et nous
Nombreux sont les élèves du lycée Rabelais qui nous ont parlé de leur territoire : leur quartier, celui dans lequel ils ont grandi, celui auquel ils sont férocement attachés. Rayan raconte comment il a grandi dans un quartier divisé entre jeunes des bâtiments et jeunes des pavillons, deux mondes totalement opposés.
4/5 L’autre moitié de ma vie
Plusieurs jeunes nous ont raconté leur arrivée en France, la violence du choc culturel, la sensation de déracinement, et la difficulté à se faire une place quand on n'a pas les codes. Rosa culpabilise presque de se sentir bien à Paris, loin de son Cambodge natal.
5/5 Des « miss » pour 10 euros
Quand on n’a jamais eu d’argent, ne pas le dépenser c’est facile, nous explique Christophe. Mais le gagner du coup, c’est primordial, et pour ça, quand on est mineur, tous les moyens sont bons. Lui, il livre de la drogue dans les beaux quartiers pour mettre un peu d’argent de côté.